OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Le Français numérique http://owni.fr/2011/11/08/inria-tns-sofres-les-francais-et-le-numeriqu/ http://owni.fr/2011/11/08/inria-tns-sofres-les-francais-et-le-numeriqu/#comments Tue, 08 Nov 2011 17:40:52 +0000 Media Hacker http://owni.fr/?p=86186 C’est une première en France : un organisme public, l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria), associé à un institut de sondage (TNS Sofres), propose une étude sur les perceptions qu’ont les Français du numérique, et établi une typologie. Elle est complétée par une application qui vous permet de répondre également aux questions de l’étude, afin d’établir votre profil.

Cette enquête qualitative, réalisée à partir d’entretiens en “face à face” sur un panel de 1 200 personnes, dessine les contours de perceptions paradoxales, entre optimisme et craintes. Si 80% des personnes interrogées reconnaissent que le numérique permet une plus grande ouverture sur le monde, elles sont 92% à faire de la protection de la vie privée sur Internet une priorité lorsqu’on les interroge sur leurs attentes liées au numérique. L’encadrement de l’utilisation par les plus jeunes arrive en deuxième position, avec 89%.

“Augmenter sa vie”

La perception du numérique, globalement positive, semble avoir évolué avec l’arrivée massive des smartphones et d’Internet dans les foyers français. Comme l’a fait remarquer le sociologue Dominique Cardon, invité à commenter l’étude au cours de la conférence de presse de présentation, le changement de sémantique est en soi important. Là où en parlait il y a encore quelques années d’ “informatique”, on parle aujourd’hui de “numérique”. Si l’informatique était considérée comme une culture spécialisée, le numérique est plus facile d’accès. Dominique Cardon précise à cet égard que “ce que perçoit l’utilisateur, c’est ce qu’on peut toucher”, d’où l’importance du mobile, qui permet “d’augmenter sa vie, à travers les écrans”.

Dans la typologie établie par Inria et TNS Sofres, qui va de l’urbain militant “Grand explorateur” au “Révolté du numérique” rural appartenant aux catégories sociales les plus modestes, l’âge est un élément fondamental. L’effet générationnel ne permet pas à lui seul d’expliquer les disparités. Le niveau de diplôme et la profession jouent un rôle prépondérant dans la manière d’appréhender le numérique. Sur cette question, Dominique Cardon relève le risque de l’apparition de deux sociétés : l’une ultraconnectée, mobile et urbaine, et l’autre réfractaire à l’usage des technologies, et inquiète.

C’est cette possibilité d’une nouvelle forme d’exclusion qu’il s’agit de combattre dans les années à venir, comme le soulignent les personnes interrogées en se prononçant massivement pour la mise en place d’une véritable éducation aux sciences du numérique dans les écoles.


Retrouvez les principales conclusions de l’étude dans l’infographie ci-dessous:

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Quand l’e-gouvernance aggrave la fracture sociale en Inde http://owni.fr/2011/07/15/bhoomi-egouvernance-inde-karnataka/ http://owni.fr/2011/07/15/bhoomi-egouvernance-inde-karnataka/#comments Fri, 15 Jul 2011 09:58:23 +0000 Alexandre Marchand http://owni.fr/?p=73605

Bhoomi. Le blason étincelant de l’e-gouvernance en Inde. Bhoomi. Une vitrine bien astiquée de démocratie moderne. Bhoomi. C’était presque trop beau pour être vrai.

Depuis 2001-2002, la base de données Bhoomi (“terre” en kannada) recense près de 20 millions de titres de propriétés foncières de fermiers de l’État sud-indien du Karnataka. Auparavant, le travail était effectué, à la main, par des responsables locaux en charge de plusieurs villages. Eux seuls pouvaient délivrer un titre de propriété (“Record of Rights, Tenancy and Crops”, abrégé “RTC”), sésame nécessaire à l’obtention de subventions, prêts bancaires, assurances… Dorénavant, toutes les données sont numérisées et centralisées en un réseau LAN reliant des agences couvrant les 177 districts de l’État. Il suffit donc de se rendre au kiosque où un agent s’occupe de la transaction, un écran montrant simultanément au client les manipulations effectuées.

La Banque Mondiale, un des fervents soutiens du projet, s’extasiait même en 2004:

Le projet Bhoomi (…) montre que mettre à disposition des citoyens les services du gouvernement, de manière transparente et efficace, leur donne les moyens de défier l’action corrompue et arbitraire de l’administration

Difficile de trouver une voix dissonante dans les commentaires laudateurs parsemant les sites officiels indiens. Et pourtant, tout est loin d’être aussi rayonnant dans le monde selon Bhoomi. Une étude, étouffée pendant de longs mois avant d’être rendue publique début 2007, tranche avec le discours public. Elle y montre comment la base de données, partant pourtant d’une bonne intention, a été accaparée par de gros promoteurs fonciers (que ce soit l’État ou des entreprises privées) à l’insu des populations rurales. Elle y démontre, de plus, que les objectifs premiers de Bhoomi (réduction de la corruption et des délais administratifs) n’ont pas été atteints.

Contacté par OWNI, le controversé créateur de Bhoomi, Rajeev Chawla, s’est contenté de réponses évasives et vagues.

Bhoomi e Governance

Corruption, délais: peut mieux faire

En réduisant et en centralisant le nombre de personnes habilitées à délivrer un RTC, la corruption, loin de diminuer, s’est maintenue. Quand elle n’a pas augmenté. Les employés des kiosques de Bhoomi, désormais en charge d’étendues relativement larges, ne sont plus soumis à la pression sociale du village qui jugulait leur appétit.

Parmi les six districts (taluks) étudiés autour de Bangalore, le schéma se confirme à chaque fois. Dans un des quartiers péri-urbains visés, par exemple, obtenir la mutation juridique d’un titre de propriété nécessitait auparavant une commission moyenne de 500 à 5000 roupies (7,5/75€). Avec Bhoomi, le pot-de-vin se monte à un minimum de 3000 à 5 000 roupies (45/75€) en temps normal, pouvant atteindre jusqu’à 15 000 ou 20 000 (225/300€) au moindre problème.

Le système ne bénéficie même pas de la rapidité informatique par opposition aux lourdeurs bureaucratiques d’antan. Les témoignages recueillis sur le terrain sont révélateurs. Pour la moindre action dépassant la simple obtention d’un RTC, un fermier doit maintenant compter deux à quatre mois et plusieurs visites à l’agence (donc autant de jours de travail en moins).

Faciliter le développement des grosses entreprises

Bhoomi touche au coeur d’un enjeu majeur du développement de l’Inde: la propriété de la terre. Le programme est utilisé comme un outil pour faire entrer le Karnataka dans l’ère de la mondialisation et attirer les entreprises à haute valeur ajoutée. Et là, le bât blesse. Dans la course à la croissance, les intérêts des grands conglomérats se heurtent souvent à ceux des populations locales, peu désireuses de quitter leurs terres et lucides quant aux promesses d’indemnisation.

La question de la propriété foncière est particulièrement prégnante à Bangalore. La capitale du Karnataka est l’équivalent indien de la Silicon Valley, le centre des grosses entreprises des technologies de l’information (“information technology” en anglais, IT). Il est donc vital pour le gouvernement local de ménager ces sociétés et de faciliter leur développement, notamment géographique. Infosys, Reliance Global ou encore ITC Infotech, pour ne citer que les plus importantes, sont notamment basées dans la ville . Ces fleurons de l’économie nationale jouent le rôle de locomotive d’une croissance indienne. Depuis plusieurs années, les dirigeants du Karnataka se sont donc lancés dans le vaste projet d’aménagement d’un “IT Corridor”: une zone, équivalente à 1,5 fois Paris, réservée aux entreprises d’IT.

Repérer les terres vulnérables

En centralisant la gestion des terres, Bhoomi facilite l’obtention d’informations pour la réalisation de gros projets fonciers de ce type. Il permet notamment de repérer les terres les plus vulnérables. Le but de cette restructuration des terrains: être le plus attractif possible aux investissements extérieurs. Même aux dépens des populations locales. Le fermier ne peut plus espérer peser sur la transaction, qui se faisait auparavant au niveau local.

60 à 70% de la population rurale de l’État dépend terres en défaut de paiement de taxes (pada). En raison de leurs faibles revenus, les petits fermiers n’ont généralement pas les moyens de lever ce statut (par un pot-de-vin ou le paiement de l’amende). Grâce à Bhoomi, des intermédiaires approchent ces fermiers pour leur proposer de lever la pada. En échange de quoi ils apposent leur nom ou celui de leur client sur le titre de propriété. Les terres pada étant classées en tant que sarakari (publiques) dans Bhoomi, leur acquisition est d’autant plus facile.

Quand l’État veut attirer les investisseurs

L’État du Karnataka joue ici un rôle crucial. Contrairement au secteur privé, les organismes publics (notamment le Karnataka Industrial Area Development Board, ou KIADB) détiennent le pouvoir de consolider un patchwork de terrains en une large parcelle.

Le KIADB est en droit d’acquérir n’importe quel terrain repéré par une des entreprises d’IT de Bangalore. Il lui suffit d’en notifier le propriétaire, qui ne pourra que très difficilement s’opposer à la mainmise sur ses terres. Selon des chiffres de 2005, le KIADB, aidé par des lois autoritaires, rachète des terres 18 000 à 23 000 euros/hectare aux fermiers, quand le prix du marché se situe entre 120 000 et 420 000 euros/hectare.

L’organisme public en profite d’ailleurs régulièrement pour s’emparer de plus de terres que nécessaire, une bonne partie du bénéfice allant alimenter le monument de la corruption indienne. Depuis 2009, le KIADB s’est ainsi procuré 37 000 hectares de terres agricoles, dont seuls 2 400 ont été redonnés à des projets divers.

La leçon de Bhoomi: dépasser la simple ouverture des données

Si nous voulons vraiment un gouvernement ouvert, nous avons toujours la lourde tâche de corriger les inégalités fondamentales et persistantes. Quelle que soit la fluidité avec laquelle elle circule, l’information seule ne suffit pas

Dans une récente tribune, le magazine américain Wired brandissait le cas de Bhoomi en (contre-) exemple des problématiques de l’ouverture des données. Le programme représente indéniablement un effort salutaire d’harmonisation et de numérisation des documents administratifs. Et pourtant cette e-gouvernance s’avère être un outil redoutable aux mains des forces qui modèlent le Karnataka d’aujourd’hui et de demain: seule une certaine frange des citoyens possède les aptitudes pour décrypter et utiliser cette nuée d’informations. Au risque de se retourner contre ces mêmes populations qu’elles sont censées protéger, les révolutions numériques ne peuvent résolument, en aucun cas, se dispenser d’une justice sociale.

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Illustrations: Flickr CC PaternitéPas de modification Clara Giraud PaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification Alexandre Marchand

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“Littéraires”, le code est fait pour vous! http://owni.fr/2011/06/18/%c2%ab-litteraires-%c2%bb-le-code-est-fait-pour-vous/ http://owni.fr/2011/06/18/%c2%ab-litteraires-%c2%bb-le-code-est-fait-pour-vous/#comments Sat, 18 Jun 2011 14:20:18 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=68230 if filière == 'L' && options.include?('grec ancien') && lecture['Proust'] == 'facile' apprendre['coder'] = 'pas si dur' end]]> Billet initialement publié sur le Datablog.

Traduction du chapô écrit en (pseudo) Ruby : « Si toi aussi tu as eu haut la main un bac L option grec ancien, si toi aussi tu as décortiqué Proust en licence (demi) finger in the nose, alors toi aussi mets-toi à la programmation. »

Voilà six mois, il me semblait encore que le code me serait à jamais inaccessible car j’étais une « littéraire » pure et dure. C’est en fait l’inverse : si vous êtes un bon littéraire, vous pouvez tout à fait vous lancer dans le bain.
Provocation non étayée ? Non, j’ai lu et digéré une bonne partie d’un livre sur le HTML et le CSS en trois week-ends et j’attaque SQL, et pour l’heure ça passe. Il n’est pas du tout nécessaire d’avoir un super cerveau combinant les qualités du littéraire et celles du scientifique. C’est ce que je m’imaginais de ces journalistes américains se mettant à des codes au nom barbare. Le site de Morgane Tual me faisait baver d’envie : c’est elle qui l’a fait et il est bô ! Et elle est plus jeune que moi ! Elle semble humaine ! Et que dire de Larry Wall qui a créé Perl pour ses propres besoins ?

En réalité, il y a juste une énorme méprise sur la définition du littéraire, réduit à des clichés erronés qui du coup réfrènent des ardeurs. Le littéraire, c’est un rêveur, un sensible, quelqu’un de pas très rigoureux ni rationnel. Je ne sais pas pourquoi j’emploie le masculin, le littéraire, c’est une fille forcément. Nan mais LOL. La logique et la rigueur ne sont pas un dans un seul camp, ce sont des qualités que l’on applique à des champs de compétence différents.

Et comme tout ceci est un peu théorique, passons à des exemples qui vous déverrouilleront ce préjugé. Un bon littéraire, c’est quoi en fait ?

C’est une personne qui est capable d’écrire en quatre heures une analyse décortiquant un texte ou traitant une question de philosophie. Traduction : c’est une personne qui a des capacités de raisonnement abstrait poussées.

C’est une personne qui est capable de faire une version grecque ou allemande. Traduction : c’est une personne qui maitrise un langage (grammaire, syntaxe, conjugaison) d’une telle complexité qu’elle dégoûte les élèves avant même qu’ils s’y lancent. Pour ceux qui n’ont pas fait de grec ancien, sachez qu’une erreur de cas et le nom qui occupait la fonction COD occupe la fonction COI. Donc, le sens de la phrase est changé. Et il en va de même pour les verbes.

C’est une personne qui a planché sur la rhétorique, appliquée entre autres à l’argumentation. L’argumentation, vous savez, cet enchaînement implacable qui vous permettra de convaincre votre interlocuteur ou au contraire de démonter la fallacité de sa pensée (exercice chaudement recommandé sur l’invité politique de la matinale). D’ailleurs, c’est ce que je suis en train de faire, là, pour la faire brève, c’est un syllogisme : pour pouvoir coder, il faut être rigoureux. Or le littéraire est en fait rigoureux. Donc le littéraire peut coder. CQFD :)

J’irais bien faire un p’tit tour du côté de la syntaxe de chez Proust

C’est une personne qui est capable de décortiquer la structure d’une phrase de Proust. Allez pour le plaisir, voici le décorticage d’une phrase extraite de Combray. Vu que j’ai oublié mes leçons, c’est mon prof de lettres classiques de papa qui l’a fait. Je lui dédie d’ailleurs ce billet, lui qui <span id=”privatejoke”>lit Homère à livre ouveeeeeert en VO</span>, va donc recevoir le PHP pour les n00bs lors de la prochaine fête des pères et le dévorer.

« Que (tournure latine “quod” si, élégance rhétorique) // s (si sous sa forme élidée, conjonction de condition, introduit une subordonnée de condition) ‘il s’assoupit dans une position encore plus déplacée et divergente, par exemple après dîner (compléments circonstanciel de temps) assis (participe passé apposé au sujet “il”) dans un fauteuil (complément de lieu), alors le bouleversement sera complet dans les mondes désorbités (proposition principale 1), le fauteuil magique le fera voyager à toute vitesse dans le temps (proposition principale 2 juxtaposée) et (coordination) dans l’espace, et au moment d’ouvrir les paupières (complément de temps), il se croira couché quelques mois plus tôt dans une autre contrée. (proposition principale 3) »

Et que se passe-t-il dans le crâne d’un gamin à qui l’on demande de retrouver tous les phrases exclamatives ? Ben une requête SQL, bien sûr :

SELECT phrase FROM texte WHERE ponctuation finale = ‘!’

Et quand on me demande s’il faut accorder le participe passé dans cette phrase : « les fichiers que la Cnil a critiqué(?) » ? Je vérifie qu’elle valide bien le mini-script suivant :

Si COD avant verbe alors accord du participe passé.

Bon dans la réalité, c’est souvent un peu plus compliqué, car le sens des phrases voire le contexte sont souvent primordiaux pour analyser mais il y a bien un côté mécanique.

Le but de ma démonstration, c’est de décomplexer les littéraires en mettant en avant leur rigueur qui n’a rien à envier à celle des scientifiques. Scientifiques qui au passage, ne crachent pas sur l’intuition pour progresser dans leurs recherches. Comme le codeur, il doit bâtir des architectures complexes pour développer son raisonnement ; comme le codeur, il doit maîtriser un langage et, excusez-moi mais la syntaxe et le vocabulaire de Ruby, c’est d’une pauvreté comparé à l’allemand :p.

Ce qui me manquait jusqu’à présent, c’était la motivation pour effectuer ce nouvel apprentissage. J’ai aimé apprendre le subjonctif 2 à la voix passive en allemand, jongler avec les déclinaison et gober des kilos de vocabulaire parce qu’il y avait la satisfaction d’échanger avec une personne étrangère dans une langue correcte.

J’espère avoir la joie de pouvoir, dans les mois qui viennent, développer, une application sur les accidents nucléaires en France, accompagné par nos amis codeurs. Cela voudra dire que je suis allée au bout de SQL mais aussi de Ruby ou PHP.

Chiche ? Bah, ça ne coûte rien d’essayer, le temps est pourri le week-end en ce moment :) Je ferai un carnet de bord de cette expédition d’une littéraire au pays du code. N’hésitez pas à partager votre expérience en commentaire sur le sujet !

NB : oui oui, html et css, c’est pas du code au sens pur du terme, mais on n’avait que ce livre sous la main.

NB 2 : je pars avantagée dans la course : j’ai un geek à 1 mètre de moi qui au moindre piaillement d’incompréhension, me refait les explications. cc @Bourdieu

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Jan Muehlfeit : « Ce siècle n’appartient pas à l’Occident. » http://owni.fr/2011/02/09/jan-muehlfeit-%c2%ab-ce-siecle-nappartient-pas-a-loccident-%c2%bb/ http://owni.fr/2011/02/09/jan-muehlfeit-%c2%ab-ce-siecle-nappartient-pas-a-loccident-%c2%bb/#comments Wed, 09 Feb 2011 07:30:49 +0000 Roman Chlupaty http://owni.fr/?p=45724 Jan Muehlfeit, est le directeur de Microsoft Europe. Il a accepté de répondre à nos questions sur la crise, l’établissement d’un monde multipolaire et les leçons à tirer de ces changements.

L’Ouest a dominé une grande partie du monde depuis la chute de l’empire soviétique. Est-ce que vous pensez qu’avec la crise, des choses vont changer ? En d’autres termes, la crise pourrait-elle menacer ou changer la position de l’Occident ?

Plusieurs choses qui doivent être prises en considération se sont passées ces dix dernières années. D’abord, la mondialisation est en marche. Et elle ne concerne pas uniquement l’Ouest, mais aussi l’Asie et l’Amérique Latine. Il y a 10 ans, les marchés émergents étaient endettés et l’Occident était plus prospère. Les choses sont très différentes aujourd’hui. Les pays asiatiques ont 4,6 trillions de dollars US de réserve financière, 2,6 trillions juste pour la Chine. L’hémisphère Ouest, ce que ce soit l’Europe, l’Amérique du nord ou d’autres pays, est endetté. C’est l’une des choses qui aura un impact important dans le futur.

Un autre facteur est la démographie. La plupart des pays asiatiques, les nouveaux tigres émergents, toucheront comme un dividende démographique. À l’Ouest, et spécialement en Europe, la population vieillit. Cela aura un impact lors des départs à la retraite etc. Enfin, en plus de tout, il y a la crise. C’est pour ces raisons que j’affirme que le XXIe siècle ne sera pas celui de l’Occident. Ce sera le siècle d’une mondialisation équilibrée dans laquelle l’Asie jouera un rôle très important, résultat des tendances démographiques et des dettes occidentales. En plus, et c’est d’autant plus clair quand on regarde beaucoup de pays asiatiques, grâce à leur compétitivité, qui augmente.

Certains affirment que nous faisons l’expérience d’une crise du capitalisme –  au moins dans le sens que nous lui donnons en Occident, c’est à dire en connexion avec la démocratie libérale et que ce faisait, nous avons besoin de grands changements. Quelle est votre position?

Je pense que ce que nous vivons n’est pas une crise du capitalisme mais une crise de leadership. Tout les pays occidentaux ne se trouvent pas dans le même bateau. Le Canada par exemple, qui n’a jamais trop assoupli ses régulations bancaires, a très bien supporté la crise. De même, je pense que c’est une bonne chose que nous soyons passé du G8 au G20 car les cartes, qu’elles soient économiques ou liées à l’influence politique dans le monde, ont été récemment redistribuées quelque peu différemment. Ainsi, ces nouveaux marchés ont leur mot à dire. Si le G20 devait résoudre un problème, là tout de suite, c’est trouver comment introduire un équilibre dans les échanges. Car nous ne pouvons pas avoir une situation dans laquelle d’un côté du monde d’énormes surplus sont créés pendant que l’autre côté, lui, amasse toujours plus de dettes. Il y a un besoin de sortir des perspectives idéologiques et d’avoir un regard rationnel sur la situation.

Une autre chose qui je pense doit changer est les modèles que les économistes utilisent pour leurs prédictions. Les êtres humains sont pleins d’émotions. Pourtant, très peu d’économistes se penchent sur la façon dont les gens fonctionnent. C’est pourquoi je crois que nous devons faire bien plus attention à la psychologie et aux émotions qui sont sans nul doute affectées par les crises et le cycle économique.

Vous mentionnez le comportement des gens, qui est souvent l’objet de discussions liées à la crise : est-elle est une crise de la morale et de l’éthique dans les cercles d’affaires comme certains le pensent, montrant du doigt par exemple ce qui a pu se passer notamment dans des banques américaines ?

Adam Smith, un des pères spirituels du capitalisme, écrivait il a 230 ans dans La Richesse des Nations, que l’on peut faire du profit tout en prenant des précautions, les deux cohabitant de manière équilibrée. Je trouve que nous, en tant que société humaine – et c’est particulièrement vrai pour l’Ouest, nous sommes concentrés énormément sur le profit et très peu sur les précautions, le soin d’autrui, de la société et aussi l’attention à porter à la nature. Il nous faut retrouver cet équilibre. C’est lié par exemple à la façon dont on forme aujourd’hui les dirigeants de demain. La plupart des programmes de type MBA enseignent comment faire du profit. Mais des sujets comme faire attention, la viabilité sur le long terme ou comment faire des affaires de manière responsable manquent à l’appel. Cela doit changer. Car si le système capitaliste veut fonctionner – et je pense que c’est le meilleur système qui a été inventé à ce jour – alors l’équilibre entre le profit et les précautions doit vraiment être préservé.

Peut-on éventuellement considérer ceci comme l’un des leçons de la crise actuelle ? Si oui, est-ce que vous pensez que le monde aura retenu la leçon pour la prochaine fois ?

Je suis d’un optimisme incroyable. Quand je parle avec des représentants d’autres entreprises, dans notre secteur ou ailleurs, ils sont sur la même longueur d’ondes. Je suis optimiste grâce à la jeune génération. Grâce aux réseaux sociaux, elle voit plus loin. Elle comprends la technologie bien mieux que la génération actuellement au pouvoir. Cela veut aussi dire que les membres de cette générations seront dans des positions de pouvoir bien plus rapidement que ma génération. C’est l’une des raisons qui fait de moi un optimiste.

Par contre, je suis moins optimiste à cause du fait que ces entreprises soient des entités cotées en Bourse qui doivent rendre des comptes à leurs actionnaires chaque trimestre. Or si nous voulons changer les choses dont nous discutons en ce moment, il nous faut y inclure ces investisseurs et actionnaires, ce qui est loin d’être le cas. Un autre exemple est ce que l’on appelle la mondialisation inclusive, une mondialisation qui marche plutôt bien pour l’Asie mais bien moins pour l’Afrique. Je pense qu’il nous faut un modèle qui intègre ce continent. Tout ceci est lié à la façon dont nous gérons la transition vers un monde multipolaire, représenté par le G20, en rupture avec le monde bipolaire que nous avions jusqu’alors. Ce changement nécessite de notre part une modification complète des comportements et de leadership.


Enfin, subsiste la nécessité de réduire les inégalités entre les riches et les pauvres. Imaginez un peu: en 1945, les pays développés étaient 5 fois plus riches que les pays pauvres. Aujourd’hui, ils sont 45 fois plus riches.

Vous parlez de la venue d’un monde multipolaire. A la lumière de cette idée, est-ce que le monde des affaires va devoir trouver un langage commun à propos du respect de l’éthique et de la morale, ou bien l’Occident ira dans une direction et la Chine, suivie par les autres pays émergents, ira dans une autre ?

Je pense que nous allons voir une sorte de symbiose entre le modèle occidental et ce que l’on appelle le modèle asiatique, et certaines philosophies orientales auront un impact important et positif. Beaucoup de managers occidentaux ont commencé à méditer – sans aucune connotation religieuse. Simplement, c’est une technique qui leur permet de gérer leur stress. Des Asiatiques viennent étudier en Occident et beaucoup de sociétés occidentales font des affaires en Asie. C’est pourquoi on va voir une certaine inter-connectivité.

En ce qui concerne la morale, je suis convaincu qu’au XXIe siècle, un société prospère ne pourra pas échapper à ce que l’on appelle la responsabilité sociale des entreprises, ou RSE. Les entreprises les plus prospères seront celles qui feront le plus pour être les meilleures sur la planète et pour la planète. C’est lié à ce que je disais sur la jeune génération. Par exemple, lorsqu’il y a 10 ans, j’embauchais quelqu’un à Microsoft et que je demandais s’il avait des questions, beaucoup m’interrogeaient sur les indemnités, les bonus, ce genre de choses. Aujourd’hui, il y a plus de question sur comment une entreprise se comporte: par exemple, est-ce qu’elle est active en Afrique depuis longtemps, ensuite vient souvent la question de savoir ce que l’on ferait pour aider l’Afrique à intégrer la mondialisation. Je le répète, si une entreprise veut avoir du succès au XXIe siècle, la RSE doit faire partie intégrante de sa stratégie.

La RSE est souvent présentée comme étant un obstacle pour les entreprises occidentales. Notamment parce que ce sont elles dont on attend un comportement responsable. Les sociétés en Chine ou dans d’autres pays se développant rapidement ne sentent pas la même pression, du moins elle ne vient pas de leurs marchés domestiques. Est-ce que vous pensez que cela va changer ou bien rester à l’identique – quitte à être un certain désavantage pour l’Occident et ses entreprises ?

Je pense que les choses sont déjà en train de changer. Je suis président de l’Academic Business Society, qui rassemble de grosses entreprises et des universités. Cette institution a été fondé en Europe mais c’est désormais une organisation mondiale. Un nombre grandissant de ses membres viennent d’Asie et d’Amérique latine. Notre symposium le plus récent a eu lieu à Saint-Pétersbourg, en Russie. La RSE a commencé à être un thème abordé dans ces pays. C’est aussi le résultat de la coopération entre des marchés émergents et l’Occident. Imaginez plutôt : si vous voulez créer une entreprise prospère, même si vous n’êtes qu’une petite entreprise de République tchèque qui fournit des pièces à Škoda, vous êtes, grâce à l’inter-connectivité de l’économie mondiale, en compétition avec d’autres petites sociétés situées partout dans le monde.

La RSE peut joué un rôle dans cette rude compétition, c’est pour cela que je ne la considère pas comme un fardeau pour les entreprises.  La responsabilité sociale des entreprises est pour moi partie intégrante de la stratégie commerciale, une partie sans laquelle il est impossible d’exister.

Pour finir, penchons nous à nouveau sur la crise. L’idéogramme chinois pour « crise » signifie à la fois « danger » et « opportunité ». Est-ce que c’est comme cela que vous voyez la crise – pour Microsoft comme pour l’économie mondiale ?

Absolument. C’est en partie dû aux choses dont j’ai parlé – les dettes, la démographie, la compétitivité. La crise est une opportunité incroyable pour mener à bien les réformes nécessaires. En Europe, il s’agit des réformes des retraites et du système sociale ainsi que la réforme de l’Education qui doit offrir plus de soutien à la créativité et à l’innovation étant donné que l’Europe doit gagner sa vie en vendant des idées. Il est grand temps de faire ses réformes. La question qui subsiste est de savoir si les politiciens européens auront le courage de mener à terme ces réformes. Car il y a parfois de grandes différences entre ce que l’on sait que l’on doit faire et ce que l’on fait. Par exemple, l’Union Européenne a une stratégie pour 2020. C’est tout à fait respectable. Mais il faut la mettre en oeuvre. C’est pour cela que je pense que la crise est l’occasion d’apporter des changements. En plus, les gens, les électeurs, sont beaucoup plus ouverts au changement maintenant. Si ces réformes sont bien expliquées, il y aura les opportunités pour les faire passer. Mais la fenêtre de tir dont nous disposons pour agir est limitée.

Interview réalisé par Roman Chlupaty pour Owni et GlobeReporter.org.
Traduction Thomas Seymat

Crédit Photo Flickr CC : Stuck in Custom / Norges Bank

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Le retour en grâce d’Alan Turing http://owni.fr/2011/02/04/le-retour-en-grace-dalan-turing/ http://owni.fr/2011/02/04/le-retour-en-grace-dalan-turing/#comments Fri, 04 Feb 2011 13:58:56 +0000 Roud http://owni.fr/?p=34034 Alan Turing, né en 1912 et mort en 1954, est un modèle scientifique pour de nombreuses personnes. Mathématicien spécialiste de cryptographie, il est précurseur si ce n’est l’inventeur d’au moins deux domaines scientifiques très actifs aujourd’hui qui m’intéressent au plus haut point : l’informatique et la biologie intégrative. De plus, nombre de ses travaux avaient des motivations autant philosophiques que scientifiques, ce qui explique peut-être le souffle qui les anime.

Turing l’informaticien

Ses contributions majeures sont dans le domaine de l’informatique. Turing est l’inventeur de l’ordinateur en tant qu’objet d’étude théorique. Il a ainsi littéralement défini le concept d’algorithme (et un concept qui va avec, la calculabilité). Dans le papier fondateur des sciences informatiques, il définit ce qu’on appelle aujourd’hui une machine de Turing. La machine de Turing est un dispositif théorique très simple, basé sur une machine lisant un ruban imprimé et, en fonction de ce qu’elle lit sur le ruban, pouvant avancer, reculer sur le ruban, écrire sur celui-ci ou effacer de l’information. On peut démontrer que tout ordinateur est en fait assimilable à une machine de Turing !

Ce qu’on sait moins, c’est que Turing a inventé sa machine (et donc l’ordinateur) pour répondre à un problème mathématique précis, posé par Hilbert dans sa fameuse liste. En fait, ses travaux font suite à ceux de Godel sur l’indécidabilité en mathématique. Turing pensait que le problème 10 de Hilbert était indécidable ; pour étudier ce genre de problème, son idée était en quelque sorte de “mécaniser”, d’automatiser les mathématiques, ce qui l’a amené à inventer la machine de Turing et la notion d’algorithme. Un des problèmes fameux qu’il a résolu avec sa démarche est le problème de l’arrêt. En terme “geek”, le problème de l’arrêt se formule en termes suivants : est-il possible de construire un algorithme capable de prédire si un programme informatique va imprimer les mots “hello world” ? Turing a posé le problème et montré qu’une telle machine, qu’un tel algorithme n’existait pas, et donc que le problème de l’arrêt est indécidable (la démonstration est assez facile à comprendre, je m’étais même fendu d’un petit billet à ce sujet à une époque lointaine …).

Les autres contributions d’Alan Turing

Turing était en fait fasciné par les machines, l’automatique, et se posait beaucoup de questions philosophiques sur la nature de la conscience et de l’intelligence. L’une de ses contributions majeures au domaine de l’intelligence artificielle est ce qu’on appelle le test de Turing : il s’agit, en gros, d’un test permettant de mesurer l’intelligence d’une machine à l’aune de l’intelligence humaine. Les fameuses CAPTCHA de nos blogs sont une forme de test de Turing. Ce cheminement des maths vers l’algorithmique en passant par la philosophie et l’intelligence artificielle ont amené Turing a s’intéresser à la formation de structures en biologie. Là aussi, il a cherché à savoir comment de la complexité pouvait émerger de processus purement mécaniques : il a ainsi proposé les premiers modèles mathématiques de réaction-diffusion, pour expliquer comment des motifs (de Turing) peuvent se former spontanément en biologie.

La plupart des travaux de Turing sont largement d’actualité dans toutes ces disciplines. La machine de Turing est le prototype théorique de l’ordinateur, l’intelligence artificielle est un domaine de recherche prometteur, et je suis très bien placé pour vous dire qu’on n’a pas fini d’entendre parler de Turing et de ses successeurs dans le domaine de la biologie théorique.

Turing, l’homme

Sur le plan plus personnel, la vie de Turing fut probablement assez triste et se termina très mal. Homosexuel, il perdit son premier amour foudroyé par la maladie (ce qui rendit Turing athée, comme Darwin), puis fut poursuivi et condamné dans un pays où les préférences sexuelles différentes étaient illégales. Du fait de sa condamnation, on lui interdit de poursuivre ses recherches sur la cryptographie. Désespéré, Turing se suicida en 1954 en mangeant une pomme empoisonnée, comme dans Blanche-Neige, son conte de fée préféré. [NB : L'histoire dit que cette pomme croquée inspira le logo de la marque Apple. En 2009, Gordon Brown a présenté les excuses du gouvernement britannique pour sa condamnation abominable.]

Turing fait donc partie de ces chercheurs géniaux et multicartes, ayant laissé leur empreinte et leur nom sur plusieurs domaines scientifiques différents (faisant mentir le zeroième théorème ?). Ses préoccupations scientifiques, ses interrogations philosophiques, l’ont amené à fonder des domaines en pleine expansion aujourd’hui. A ce titre, il aurait mérité le Nobel, mais ne l’aurait probablement jamais eu vu ses intérêts scientifiques plutôt dans le XXIe siècle que dans celui de l’ami Alfred.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

>> Article initialement publié sur “Matières vivantes”

>> Illustration et vidéo Flickr CC : Leo Reynolds et Andrew Magill

>> Extrait du documentaire “The Genius of Alan Turing” en cours de tournage

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http://owni.fr/2011/02/04/le-retour-en-grace-dalan-turing/feed/ 6
Protégez vos petits secrets grâce aux nombres premiers http://owni.fr/2011/01/14/protegez-vos-petits-secrets-grace-aux-nombres-premiers/ http://owni.fr/2011/01/14/protegez-vos-petits-secrets-grace-aux-nombres-premiers/#comments Fri, 14 Jan 2011 13:33:12 +0000 Science étonnante http://owni.fr/?p=33936 Imaginons que vous soyez le chef de la diplomatie de votre pays, et que vos ambassadeurs aient besoin de vous envoyer des messages top secrets. Afin d’échapper aux oreilles de l’ennemi et de Wikileaks, vous allez avoir besoin de coder ces messages. Comment faire ?

La cryptographie basique

Pour cela, vous pouvez choisir une méthode simple, comme substituer une lettre par une autre dans l’alphabet. C’est le principe qu’utilisait César pour communiquer avec ses généraux. Les messages étaient codés de la manière suivante : chaque lettre est remplacée par la lettre située 3 cases plus loin dans l’alphabet : A devient D, B devient E, etc. En voici le principe en image pour coder le mot « BONJOUR » :

Les méthodes de substitution simples sont malheureusement assez peu sûres car chaque lettre est toujours codée de la même manière : on peut donc casser ces codes en faisant de la statistique et en analysant les occurrences des lettres : ainsi en français, le E est la lettre qui doit revenir le plus souvent, suivie des lettres AIST, qui bien sûr sont elles-mêmes bien plus fréquentes que WXYZ.

La cryptographie à clé

Pour éviter cela, il faut un codage dans lequel une même lettre n’est pas toujours codée de la même manière. C’est le principe des codes à clé. Imaginons que l’on veuille encoder le mot « BONJOUR » et qu’on choisisse comme clé de cryptage le mot « DECO ». On convertit chaque lettre du mot et de la clé en chiffre (A=1, B=2, …,Z=26), on les additionne et on reconvertit les chiffres obtenus en lettre. Comme la clé est souvent un simple mot, on la répète autant de fois que nécessaire pour coder l’ensemble du message. Pour décoder, on fait la même chose mais en soustrayant la clé au message codé. En voici l’illustration :

Et vous voyez ici que les deux lettres O du mot « BONJOUR » sont bien codées par une lettre différente. On ne peut pas facilement casser ce code par des analyses statistiques.

Toutefois le codage à clé pose un autre problème car il s’agit d’un codage symétrique : si vous savez coder les messages, alors vous savez aussi automatiquement les décoder. Donc si un espion parvient à se procurer la clé que vous donnerez à votre ambassadeur, alors l’ennemi saura ensuite décrypter les messages qu’il vous enverra !

La cryptographie asymétrique

La solution pour s’en sortir est d’utiliser une méthode de cryptographie asymétrique, c’est-à-dire où les procédures de codage et de décodage sont très différentes, de sorte que quelqu’un qui sache encoder les messages ne sache pas pour autant les décoder. Comment est-ce possible ?

Un algorithme asymétrique fait appel à deux clés : une clé dite « publique » qui sert à encoder le message, et une clé dite « privée » qui sert à le décoder. Donc si vous êtes le chef de la diplomatie, vous expédiez une clé publique à votre ambassadeur, et vous gardez pour vous la clé privée correspondante. Vos diplomates pourront encoder les messages, mais s’ils se font voler la clé publique, l’ennemi ne pourra pas pour autant décoder vos communications, car seule la clé privée permet de le faire !

L’algorithme RSA

L’algorithme asymétrique le plus populaire s’appelle l’algorithme RSA, en référence à ses concepteurs Rivest Shamir et Adleman, qui l’ont inventé au MIT à la fin des années 70. Il est relativement simple car il ne fait appel qu’à des notions élémentaires d’arithmétique. Ceux qui veulent le calcul précis peuvent aller voir plus bas, mais pour ceux que les maths fatiguent, il est basé en gros sur le principe suivant : vous choisissez deux nombres premiers P et Q, vous les multipliez pour obtenir un nombre N=P.Q. Le nombre N donne la clé publique, alors que la privée nécessite de connaître la décomposition en P et Q.

Il est vrai qu’en théorie, la connaissance de la clé publique N permet de déduire la clé privée (P,Q) : il suffit de factoriser N. Sauf que factoriser un nombre peut être une opération très longue, même avec un gros ordinateur. Donc il suffit de choisir des nombres premiers suffisamment grands et en pratique la décomposition de N en P*Q sera très difficile et le codage RSA impossible à violer par le calcul (sauf en un temps égal au nombre de protons dans l’Univers…)

Le RSA en pratique

L’algorithme RSA est assez difficile à utiliser pour chiffrer des grands messages, car bien que les opérations de base soient élémentaires (multiplication, puissance, division), les calculs peuvent se faire sur des nombres énormes et prendre pas mal de temps. Néanmoins pour des codes de carte bleue ou des requêtes vers des sites internet, ça reste faisable. D’ailleurs le RSA est largement employé dans ce type d’applications.

Pour en revenir à nos ambassadeurs, la puissance et l’importance stratégique du RSA est telle qu’en France, il a longtemps été classé « Arme de deuxième catégorie » (catégorie à laquelle appartiennent entre autres les Rafales, les porte-avions et les sous-marins). Dans le même genre, le gouvernement américain l’a aussi classé comme arme et a interdit pendant longtemps l’exportation de l’algorithme en dehors du territoire. Évidemment interdire l’exportation d’un algorithme, ça paraît difficile, et des petits malins anarcho-libertaires se sont amusés à se transformer en « arme d’exportation illégale » en se faisant tatouer l’algorithme RSA. Très tendance sur la plage…

BONUS : Pour les violents, le détail de l’algorithme RSA

Choisissez deux nombres premiers P et Q (que vous gardez pour vous), prenons par exemple P=5 et Q=11.

Fabriquez le produit des deux N=P.Q, dans notre cas N=55.

Choisissez un nombre E n’ayant pas de facteur premier commun avec (P-1).(Q-1) Dans notre cas puisque (P-1).(Q-1) = 40 = 2*2*2*5, on peut choisir par exemple E = 7.

La paire (E,N) constitue la clé publique, que vous donnez à votre ambassadeur

Choisissez ensuite un nombre D tel E.D modulo (P-1).(Q-1) = 1 par exemple dans notre cas D = 23 fait l’affaire car 7*23 modulo 40 = 1

La paire (D,N) constitue la clé privée, que surtout vous gardez pour vous.

Comment se passe la procédure d’encodage ? Tout d’abord il vous faut ramener votre message à un nombre. Vous pouvez le faire par le moyen que vous voulez comme A=01 ; B=02 ; … ;Z =26 par exemple. Une fois votre message traduit sous la forme d’un nombre M, vous allez encoder ce nombre avec la clé publique (E,N) de la manière suivante :

C = ME modulo N

Pour décoder C (et donc retrouver M), il vous faut appliquer une opération différente, utilisant la clé privée (D,N) :

CD modulo N.

Et c’est là que les maths des nombres premiers nous sont utiles, car elles permettent de prouver que ça marche c’est-à-dire que l’opération de décodage permet effectivement bien de retrouver le message M initial. On peut en effet démontrer que :

(ME modulo N)D modulo N = M

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Facebook : dire “pouce” face au “like” http://owni.fr/2010/12/16/facebook-dire-pouce-face-au-like/ http://owni.fr/2010/12/16/facebook-dire-pouce-face-au-like/#comments Thu, 16 Dec 2010 13:44:32 +0000 Erwan François http://owni.fr/?p=39371 Je m’étonne un peu du succès durable du « like » sur Facebook car à mon sens, cette fonction qui induit souvent un abonnement peut mener rapidement à l’infobésité. D’autant que Facebook n’est que très modérément taillé pour nous permettre de gérer convenablement nos « likes ».

Sur la page d'accueil d'un blog, Facebook est proposé en premier pour le suivi des publications.

Envisageons la question de la façon suivante : il est fréquent que l’internaute se voit aujourd’hui proposer plusieurs solutions pour « garder le contact » avec telle ou telle source (site ou blog hors de Facebook, « ami » ou « fan page » sur Facebook…) et suivre ses publications ou, plus largement, celles de son (ses) auteur(s). Parmi les options disponibles hors de Facebook, parallèlement à la récupération de flux de syndication web (RSS/Atom) ou encore au suivi des publications d’un compte Twitter, et j’en passe, il y a… Facebook. Il arrive même que le lien via Facebook soit la première option proposée et soit davantage proposée que le reste. Cette offre peut prendre la forme d’un bouton bleu porteur du logo de Facebook, ou d’un bouton porteur d’une icône représentant un pouce et de la mention « J’aime », sur lequel il suffit de cliquer. C’est le « like », qu’on trouve dans et hors de Facebook.

Sur Facebook, une "fan page" proposant le bouton "Like" ("J'aime").

Qu’il soit proposé d’emblée ou par le biais d’une « fan page », on constate que le bouton « like » tend parfois à se substituer à l’abonnement via un flux de syndication web tel qu’il existe depuis de nombreuses années, non sans poser quelques problèmes d’adoption. Toutefois, si Facebook peut représenter une solution simple et familière pour de nombreux internautes, elle n’est pas nécessairement la plus pratique au bout du compte. Si l’on n’espère rien de très positif de l’Open Graph, il peut être intéressant de mieux cerner quelques caractéristiques et limites de Facebook en tant qu’agrégateur, et d’en tenir compte dans l’utilisation du « like » vis-à-vis de tout ce qui est sur Internet et disponible hors de Facebook. Ceci peut en outre conduire l’internaute à adopter un ou plusieurs outils complémentaires, notamment un portail personnel.

Du « like » à l’infobésité

Dans son fonctionnement, Facebook a plusieurs points communs avec un portail web personnel tel que Netvibes , et plus encore avec cet autre réseau social dédié au microblogging qu’est Twitter : l’une des actions fondamentales avec ces outils est, avant l’échange, l’abonnement, qu’il soit unidirectionnel ou réciproque.

Mais commençons à préciser les choses. Une première caractéristique de Facebook est que les abonnements ne se présentent pas comme tels ; ils prennent souvent la forme d’expressions relevant du champ lexical de l’affectif : « ami » (« friend ») ou « J’aime » (« Like »). Notons par ailleurs que tous les « likes » ne donnent pas lieu à un abonnement, que ce soit par Facebook ou encore par courriel. Il n’est donc pas toujours aisé de savoir quelles seront les conséquences informatiques d’un « like », surtout en période de découverte de Facebook.

Sur Facebook, l'icone bleue et verte incitant à ajouter un nouvel ami.

L’objectif de ce travestissement est probablement d’inciter l’utilisateur à multiplier certaines actions, qui constituent des témoignages d’intérêt voire d’affection (soit un bénéfice complémentaire à l’abonnement proprement dit pour les utilisateurs ; c’est une façon de s’exprimer exigeant un effort minimum), mais aussi autant de traces de ses relations, de ce qu’il apprécie, bref autant de symptômes révélateurs d’un certain profil (soit un bénéfice pour Facebook et ses annonceurs). Le « like » est aussi, évidemment, un outil de fidélisation précieux pour de nombreux éditeurs, or on est plus enclin à indiquer qu’on aime (ce qui ne coûte ni n’engage à rien, en principe) qu’à s’abonner. Au-delà des mots, les icones qui leur sont associées (le pouce pour le « like » et le « +1 » pour le nouvel « ami ») montrent combien elles sont considérées comme positives et souhaitables par le système et ses auteurs. Il y a enfin le fait que ces actions soient visibles — et donc prescrites par les utilisateurs –, ce qui n’est pas le cas de leur action contraire. Bref, ces propositions sont des incitations, et l’ensemble est tout sauf neutre vis-à-vis de l’utilisateur.

Malheureusement, céder à de telles incitations peut vite avoir d’assez pénibles conséquences pour l’utilisateur (indépendamment de la question de la publication d’informations personnelles). Qu’il se montre un peu trop « aimant » sur Facebook et son flux deviendra assez rapidement difficile à gérer, voire ingérable. Tout utilisateur peut constater que multiplier les « likes » et autres demandes à devenir l’« ami » de tel ou tel autre utilisateur actif est vite récompensé, si j’ose dire, par une exposition à cette véritable plaie moderne qu’est l’infobésité. Le « newsfeed », le fil d’information de la page d’accueil personnelle de l’utilisateur, se retrouve sous peu inondé de messages ou de traces d’activités des uns et des autres.

Il ne reste plus alors à l’utilisateur qu’à subir cette marée informationnelle (rechercher plus longuement ce qui est intéressant ; se rendre plus souvent sur Facebook ou accepter de voir plus rapidement disparaître, avant toute lecture, des items qui auraient pourtant pu l’intéresser…) ou à se résoudre à entrer dans une logique de filtrage-dosage, de masquage voire de désabonnement qu’il n’est pas toujours aisé d’assumer. En d’autres termes, Facebook ne facilite pas une bonne gestion de l’information ; il inciterait plutôt à un cumul perpétuel, géré d’une façon qui peut desservir l’utilisateur .

Un newsfeed chaotique

À la rigueur, nous pourrions davantage céder au chant des « likes » s’ils ne nous conduisaient inévitablement à éprouver l’une des limites de Facebook aujourd’hui, comparativement à des outils tels que Netvibes ou Twitter : le newsfeed est un fil unique. Les informations qui proviennent de mes  chères sources se retrouvent pêle-mêle dans un seul et même flux.

Il faudrait bien sûr nuancer et parler, entre autres, du « mur » et de certaines applications dont les contenus peuvent être affichés ça et là, hors du newsfeed. Mais rien de comparable avec la souplesse d’un portail tel que Netvibes, sur lequel l’utilisateur dispose de bien plus de latitude pour organiser ses sources en différents widgets, répartis sur différentes colonnes et différentes pages. L’utilisateur peut également adapter la forme des widgets à la nature des contenus (plutôt iconiques ou plutôt textuels, par exemple) ; adapter leurs dimensions à leur importance à ses yeux ou au rythme de publication de la source. Twitter, de son côté, offre la possibilité de créer d’autres fils de sources (selon telle ou telle thème par exemple). Une fonction précieuse ; personnellement, sur Twitter, je me reporte souvent à mes fils thématiques (bien qu’ils soient perfectibles), délaissant le fil principal dont le contenu, du fait que je m’intéresse à divers sujets, passe sans cesse du coq à l’âne… comme sur Facebook.

Les ambiguïtés du « like » et le côté rudimentaire de Facebook en tant qu’outil d’abonnement auraient donc de quoi amener l’utilisateur à changer ses pratiques : à faire le grand ménage dans ses « intérêts » et à éviter, parmi les nouveaux « likes », ceux qui sont susceptibles de se convertir en autant d’« intérêts » , là où une alternative existe. Facebook me semble surtout à utiliser pour les échanges avec les relations amicales et la famille, car c’est là et pas ailleurs que je peux retrouver la plupart d’entre eux, où qu’ils se trouvent. Les limites de cette plateforme m’apparaissent à peu près adaptées à un tel usage, pas beaucoup plus. À choisir entre un nouvel « ami » et un nouveau « like » dans Facebook , je sacrifie le dernier sans hésiter.

La veille informationnelle proprement dite, elle, serait plutôt à mettre en place sur un portail personnel (Netvibes ou un équivalent), qui peut comporter un widget Facebook parmi bien d’autres choses. Ceci me semblerait contribuer à remettre Facebook à sa vraie place, compte tenu des caractéristiques et limites identifiées ci-dessus — ainsi que des doutes dont il fait notoirement l’objet en matière d’utilisation des données personnelles. L’adoption d’un portail personnel permet de faire de Facebook seulement un flux parmi d’autres, plus qu’un flux qui recevrait tous les autres flux, ce qu’il cherche à devenir mais sans que les utilisateurs y aient forcément intérêt. Ce dernier scénario ne me semble envisageable avec Facebook que dans le cas où les flux ajoutés dans Facebook sont peu nombreux et/ou peu abondants.

Billet initialement publié sur Iconique, un blog de Culture visuelle

>> Illustration CC Loguy pour OWNI

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La reconnaissance vocale est morte : pet à son âme http://owni.fr/2010/11/10/la-reconnaissance-vocale-est-morte-pet-a-son-ame/ http://owni.fr/2010/11/10/la-reconnaissance-vocale-est-morte-pet-a-son-ame/#comments Wed, 10 Nov 2010 15:04:45 +0000 Dr Goulu http://owni.fr/?p=33275 D’après “2001 l’Odyssée de l’Espace”, nos ordinateurs devraient comprendre notre voix depuis 9 ans. Depuis 1997, on trouve des logiciels de reconnaissance vocale pour PC, et depuis peu nos téléphones disposent de cette fonction. Mais on ne l’utilise pas. Je ne connais personne qui dicte ses e-mails, et vous ?

Comme tous les geeks j’ai essayé de temps en temps, parfois passé une heure à lire des textes d’apprentissage de la voix la plus monocorde possible à la nouvelle version d’un soft, et puis abandonné devant ses piètres performances. Ça ne marche pas, ou pas assez bien.

Robert Portner analyse cet échec dans ”Rest in Peas: The Unrecognized Death of Speech Recognition“, titre subtilement traduit en français dans le présent article.

Le problème, c’est qu’après une phase de progrès rapides à la fin du siècle passé, le taux d’erreur de mots plafonne à 10% depuis 2001, soit environ le triple du taux d’erreur d’un être humain. Et encore, c’est pour l’anglais “standard”. Le taux d’erreur est bien plus élevé pour d’autres langues, et catastrophique pour une conversation entre supporters de foot à la sortie du match. (Voir l’évolution du taux d’erreur de mots du National Institute of Standards and Technology).

Pourtant dans les années 1990, des systèmes très fiables avaient été mis au point pour distinguer quelques mots bien choisis dans des cockpits d’avion ou des chiffres au téléphone, et on s’était légitimement attendus à ce que la Loi de Moore permette de traiter rapidement le langage naturel.

Et effectivement, aujourd’hui on sait bien reconnaitre des mots isolés. On sait à peu près éliminer les absurdités non conformes à la grammaire dans des phrases simples comme “le chat ment je la sous rit.” Mais pour distinguer entre “le chas mange la souris”, ”le chat mange là, sous l’riz” et  ”le chaman gela, sourit” et , il faut comprendre le sens de la phrase, voire le contexte dans lequel elle est prononcée…

Si l’ordinateur doit connaitre la différence entre un quadrupède carnivore et le trou d’une aiguille pour traiter une phrase triviale, on imagine que ce n’est pas demain qu’on dictera des contrats* ou des rapports à une machine.  De gros projets ont été lancés par des poids lourds de l’informatique pour tenter de modéliser la connaissance humaine.

Par exemple le projet MindNet de Microsoft a analysé des millions de pages de textes existants pour construire un graphe sémantique gigantesque, duquel il ressort effectivement que dans une phrase comportant “chat” et “souris”, le plus probable est que le chat chasse la souris. Un tel graphe peut certainement être utile en traduction automatique car on dispose d’un texte de départ, mais pour la reconnaissance vocale il faudrait étendre le graphe à la structure des phrases utilisées en conversation courante, qui peut être bien distincte du langage écrit. Et pour faire ça automatiquement, il faudrait la reconnaissance vocale…

Comme le note Portner, on pensait au début que la reconnaissance vocale était un premiers pas vers l’intelligence artificielle. Aujourd’hui de nombreux chercheurs estiment que l’intelligence artificielle est indispensable pour atteindre une reconnaissance vocale de qualité acceptable. Les gros projets de recherche ont été abandonnés les uns après les autres, bloqués devant le mur si bien décrit par les Perlisismes sur l’intelligence artificielle comme :

“Une année de travail sur l’intelligence artificielle est suffisante pour vous faire croire en Dieu”

Le nombre de recherches sur “reconnaissance vocale” ou “Dragon Naturally Speaking” sur Google baisse régulièrement depuis 2001. Comme aucune  idée fondamentalement nouvelle ne vient relancer la recherche, la reconnaissance vocale est morte, en toute discrétion.

Note : Ça me rappelle l’histoire de la secrétaire d’un célèbre ingénieur de la génération dictaphone qui avait commandé “310 mètres d’isolation entre 2 étages” au lieu de “3 centimètres” . Ça c’est avec les 2% d’erreurs de transcription humaines…

>> Article publié initialement sur le blog de Dr Goulu

>> Illustrations FlickR CC : TruShu et Loguy en CC pour OWNIsciences

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Hacker Space Festival: “on ne peut pas lutter contre les idées dont le temps est arrivé” http://owni.fr/2010/10/26/hacker-space-festival-on-ne-peut-pas-lutter-contre-les-idees-dont-le-temps-est-arrive/ http://owni.fr/2010/10/26/hacker-space-festival-on-ne-peut-pas-lutter-contre-les-idees-dont-le-temps-est-arrive/#comments Tue, 26 Oct 2010 10:02:47 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=33053 “Réaliser tous ses désirs, c’est épanouissant, non ?”, s’amuse Alexandre Korber, un des membres du /tmp/lab qui organise le troisième Plastic Hacker Space Festival à Vitry-sur-Seine (94), dans les locaux du premier hackerspace parisien. Car telle est l’ambition affichée de ce festival qui réunira de vendredi soir à dimanche tard dans la nuit, les adeptes du DIY (Do It Yourself) :

“All the ways to realize all your phantasms”

Cet accomplissement, contrairement à ce que les non-initiés pensent parfois, est parfaitement légal et ne passe pas forcément par du trifouillage de machines. Il s’agit davantage d’une philosophie générale de vie transdisciplinaire :

Nous sommes dans une démarche d’ouverture au public, de décomplexion des gens face à la technologie et d’exploration des pratiques et domaines, qu’ils soient en lien ou non avec les nouvelles technologies

détaille Philippe Langlois, membre fondateur du /tmp/lab. Un programme éclectique donc, qui mêle conférences et ateliers : de l’art avec des installations sonores, des performances, des projections de films, du droit – et oui la loi se hacke -, de l’urbanisme, la question des genres sexuels, etc. ” Un mix qui attirera un public varié, “des chercheurs du CNRS comme des lycéens, des chômeurs, des entrepreneurs, des ingénieurs, des gens qui ne se sont pas forcément dans le domaine informatique. Et il y a plus de femmes qui organisent le PHSF cette année que d’hommes, nous essayons de ne pas être dans ce biais masculin”, tient-il à préciser.

S’il n’est pas nécessaire d’être adepte des technologies, “le noyau dur, c’est l’esprit Fab Lab“, poursuit Alexandre Korber. Loin des longs process de réalisation de l’industrie classique, les Fab Lab sont des ateliers couplant machines et ordinateurs pour fabriquer des objets en mode agile. On pourra ainsi voir des réalisations du projet Usinette, qui est l’équivalent version objet du hackerspace. Par exemple, RepRap, une imprimante 3D low cost, sous logiciel libre bien sûr, entrera en action. Cela vous semble abstrait ? Et bien sachez que cet outil peut servir à concevoir… un sex-toy.

Si les activités présentées ne risquent pas d’envoyer leurs auteurs en prison, il émane tout de même un parfum potentiellement dérangeant. Philippe Langlois détaille :

On ne dit pas non plus que tout notre discours est accepté. Quand tu vois que le sampling est encore interdit dans la création musicale, oui effectivement, on se bat contre certaines idées rétrogrades. Nous vivons dans un pays où Hadopi est promulguée alors qu’on sait que c’est inefficace, il faut quand même dire les choses. Le hacking n’est pas nécessairement à la marge, il se fait à la marge mais il définit des objets, des concepts et des manières de faire et d’utiliser la technologie pour qu’ils deviennent grand public.

Le hacking de façon générale a une dimension politique en ce que sa pratique interroge notre société, et remet parfois ses fondements en cause. Fabriquer soi-même (plutôt qu’acheter), l’un des credo du hacking, constitue une démarche éminemment politique qui renvoie entre autre à la question de la (dé)croissance, du développement durable, etc. Une conférence creusera particulièrement cet aspect.

Ce qui fait tout l’attrait du hacking est que cette portée politique peut très bien cohabiter avec le ludique. “On peut traiter des sujets sérieux, voire grave sans pour autant être embêtant”, rappelle Philippe Langlois, citant les Yes Men, ces activistes maniant l’art du “prank” (canular, en bon français).

Le succès des deux précédentes éditions du PHSF et l’activité des hackers français montre que la France se met au bidouillage, en dépit d’une culture a priori moins favorable à son développent, selon Philippe Langlois :

Tous les pays du monde sont des terres de hackers, après c’est son acceptation en temps que changement social qui varie selon les pays. La France étant dans une tradition des grandes écoles, si tu n’es pas sorti de l’école, tu n’as pas le droit. Si on attend le changement des gens qui ont tout et ne veulent rien changer, cela ne fonctionne pas trop. Alors naturellement, la France n’était pas un lieu où les innovations apportées par cette nouvelle lecture étaient appréciées. Après, on ne peut pas lutter contre les idées dont le temps est arrivé.

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Bonus : si votre mère ne comprend pas ce qu’est le hacking, Dédée, Dolorès et Gisèle donnent leur définition :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

> Le site du Plastic Hacker Space Festival

> Le site du /tmp/lab

> Affiche Denis Mareau ; image de une CC Flickr

> Illustration CC FlickR opacity

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Et oui papa, j’aime le java http://owni.fr/2010/07/01/et-oui-papa-jaime-le-java/ http://owni.fr/2010/07/01/et-oui-papa-jaime-le-java/#comments Thu, 01 Jul 2010 08:45:57 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=20848

Image Elsa Secco /-)

De nouveau, le réalisateur Alan Smithee s’attaque avec courage à un tabou de société persistant dans son nouveau film Java 4-ever, dont le trailer vient d’être dévoilé : certains aiment java et non .NET. Bien des familles ne sont pas assez open pour accepter cette préférence, comme le montre avec pudeur et délicatesse ce drame norvégien. On n’en attendait pas moins du réalisateur de Javatar et de .NOT. Stven Springberg a produit, non sans audace là encore, cette œuvre dont nous espérons qu’elle contribuera à faire évoluer les mentalités. Quoi qu’il en soit, la communauté geek l’a déjà saluée : on peut citer Wired, qui l’a qualifiée de “Truly gripping”. La sortie, très attendue, est prévue pour le 8 septembre.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Via deux geeks qui ont fait leur coming-out, Stan et Dam /-)

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