OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Mémoires (vives) d’Algérie http://owni.fr/2012/07/04/memoires-vives-dalgerie/ http://owni.fr/2012/07/04/memoires-vives-dalgerie/#comments Wed, 04 Jul 2012 21:18:43 +0000 Paule d'Atha http://owni.fr/?p=115379 El Watan : Mémoires d'Algérie. Une application interactive permettant de visiter quantité d'archives étatiques, militaires et privées. Un point de rencontre numérique où nous mettons à la disposition de tous des documents racontant autrement la guerre qui déchira Français et Algériens ; en marge des versions officielles. ]]> Mémoire(s) d'Algérie

Le 19 mars dernier, 50 ans après les accords d’Evian, nous lancions en partenariat avec le journal algérien El Watan, l’application Mémoires d’Algérie. Le parti pris éditorial était fort : permettre de raconter une autre Guerre, déconstruire par des faits les images tissées au fil des discours officiels, de part et d’autre de la méditerranée. Grâce à l’association de journalistes algériens et français, unis dans ce projet.

Nous avions d’un côté des témoignages recueillis par El Watan, racontant le quotidien de ces années de guerre, dévoilant les histoires personnelles, les déchirures familiales, une matière humaine brute. De l’autre, des milliers de documents officiels, militaires et administratifs, que nous avions pu récolter en fouillant les archives de divers services de l’État français et que nous avions décidé de rendre publics. Une considérable base de données qui retraçait cette histoire commune, dans toute sa complexité.

Il a fallu organiser ces milliers de documents, les indexer, penser l’ergonomie, le design et coder cet objet web qui devrait permettre à chacun de parcourir ces documents et de questionner son histoire. Nous souhaitions que ce musée virtuel se construise surtout à travers ceux qui viendraient le parcourir et l’enrichir. Nous l’avons mis en ligne et nous avons attendu.

Un musée vivant

Il ne nous a pas fallu longtemps pour être émus par de simples chiffres. Des statistiques qui venaient confirmer une intuition et valider une démarche journalistique collaborative que seul permet le web. Près de 30.000 visites la première semaine et un chiffre qui s’est stabilisé autour de 8.000 visiteurs uniques dans les semaines qui ont suivies.

Au-delà des simples “visites”, ce sont deux autres données qui nous ont marquées. La répartition de la provenance géographique de ces visiteurs tout d’abord : après bientôt quatre mois de vie en ligne, l’équité est presque totale entre Algérie et France, chacun réunissant en moyenne 40% des visites. Le temps passé sur le site ensuite : plus de six minutes (!) pour une moyenne de 6 pages/visite.

Ces chiffres donnent corps à ce musée virtuel. Des personnes y viennent, y restent et explorent la masse de contenus que nous avons posés sur la place publique. Cette histoire est vue, lue et réappropriée. Mieux : elle est enrichie. Via l’adresse mail mise à disposition des visiteurs, nous avons reçu de nouveaux témoignages que nous avons intégré au fur et à mesure dans la la base de données. Des collections personnelles de photos d’époque (près de 2000 à ce jour) sont arrivées scannées à la rédaction d’El Watan. De quoi nourrir encore longtemps ce musée vivant.

Alors que François Hollande vient de rendre hommage aux victime de la répression sanglante du 17 octobre 1961, il est plus que jamais essentiel de garder ouvertes les portes de ce musée. Et d’inviter tous ce qui le souhaitent à venir y contribuer. Car cette histoire nous regarde tous.


Nos remerciements appuyés à nos confrères d’El Wanatn, dont le sérieux et la constance ont permis à ce projet de prendre toute sa dimension.
Design de l’application Mémoires d’Algérie par Marion Boucharlat
Photo de couverture issue des archives de la famille Moussa, en ligne sur Mémoires d’Algérie (El Watan/Owni)

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Révéler les mémoires d’Algérie http://owni.fr/2012/03/19/memoires-algerie-guerre-evian/ http://owni.fr/2012/03/19/memoires-algerie-guerre-evian/#comments Mon, 19 Mar 2012 16:02:45 +0000 Guillaume Dasquié http://owni.fr/?p=102257 El Watan et OWNI lancent un projet commun : réunir des archives militaires et administratives encore classifiées, des témoignages, photographies et documents inédits. Et en offrir l'accès au plus grand nombre. Pour que chacun puisse s'en saisir, découvrir et raconter sa guerre. Pour que les archives deviennent mémoires.]]>

En marge de l’histoire officielle, telle que les États la racontent, El Watan et OWNI sont fiers de vous présenter Mémoires d’Algérie, un pont mémoriel entre Alger et Paris pour présenter dans leur réalité, à travers des milliers d’archives, sur cette guerre. Guerre de libération, guerre civile ou guerre tout court, selon les protagonistes, devenus cinquante ans après, les narrateurs.

Le site que nous avons conçu ensemble, memoires-algerie.org, est le résultat d’une intention commune réunissant journalistes algériens et français, travaillant main dans la main, pour proposer un outil de connaissance sans compromis, et cependant soucieux de dignité et porteur de réconciliation. Un espace de mémoire, pour que les peuples mesurent en toute indépendance la part de cynisme et d’incompréhension qui les a précipités dans la même tragédie.

Un partenariat pour explorer cet épisode de notre histoire commune, en mettant à la disposition des citoyens algériens et français des archives pertinentes, dont la plupart n’ont jamais été publiées et dont un nombre important est classifié.

Documents inédits

Plusieurs mois d’un travail réalisé à Paris et à Alger nous ont permis de rassembler ces milliers d’archives qui enrichiront progressivement ce site, provenant, notamment, de l’ex secrétariat aux affaires algériennes et du ministère français de la Défense, mais aussi des centaines de documents personnels, de lettres, de témoignages de la population algérienne, et une grande quantité de photos privées prises par les témoins de cette guerre.

Une quinzaine de personnes ont rendu cette aventure éditoriale possible. Ainsi, l’étroite coopération entre nos deux réactions a été au quotidien animée par Mélanie Matarese, Adlène Meddi, Pierre Alonso et Julien Goetz. Le recueil, la vérification des documents et leur mise en perspective ont été assurés par Nassima Amarouche, Rodolphe Baron, Marie Coussin, Lila Hadi, Djouher Si Mohamed, Sabiha Ouakli, Tassadite Saada et Nacéra Saoudi. Tandis que le site a été fabriqué par Anne-Lise Bouyer, Julien Goetz, James Lafa, Abdélila El Mansouri et designé par Marion Boucharlat.

N.B : Certaines des pièces que nous mettons en ligne témoignent de sa barbarie banalisée. Dans de tels cas, à chaque fois que cela nous a paru nécessaire, nous avons occulté des noms propres, le plus souvent pour protéger l’identité d’anciennes victimes d’actes de torture.


Visitez l’application Mémoires d’Algérie sur memoires-algerie.org.
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Riche armée http://owni.fr/2012/02/17/riche-armee-smp-rapport-parlement/ http://owni.fr/2012/02/17/riche-armee-smp-rapport-parlement/#comments Fri, 17 Feb 2012 20:13:37 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=98739

La France passe à côté d’un marché de 100 à 200 milliards de dollars par an. L’assertion est fréquente dans la bouche des entrepreneurs de sécurité à la tête des “sociétés militaires privées” françaises. Une appellation impropre au cas français, selon deux députés membres de la commission de la Défense, Christian Ménard (UMP) et Jean-Claude Viollet (PS), auteurs d’un rapport d’information sur le sujet.

Dans ce document, déposé le 14 février, les rapporteurs préfèrent l’expression “entreprises de services de sécurité et de défense (ESSD)” qui “regroupe[nt] un ensemble de prestations nombreuses mais cohérentes [ayant] en commun de se situer à la périphérie de ce qui fait l’essence du régalien”.

En France, l’état actuel de la législation ne permet pas de créer des sociétés militaires privées, tombant sous le coup de la loi de 2003 réprimant le mercenariat. Exit Bob Denard et ses sulfureuses barbouzeries africaines :

Il n’y a rien de commun entre les prestations d’ingénierie proposées par les grandes ESSD françaises et l’action menée jadis par Bob Denard et ses associés.

Oubliées aussi les curieuses missions à l’étranger, comme Secopex ou le fleuron des entreprises françaises, Géos en ont réalisées en Libye, au grand étonnement de ces mêmes députés.

Des députés étonnés des missions en Libye

Des députés étonnés des missions en Libye

Émotion à la Commission de la Défense de l'Assemblée nationale. La société de sécurité privée Geos a formé des ...

Un marché de 200 milliards

Aujourd’hui, l’intérêt est d’abord économique. “Le marché mondial a probablement atteint les 200 à 400 milliards par an ces dernières années, artificiellement gonflés par les théâtres d’opération en Irak et en Afghanistan” explique Christian Ménard à OWNI. L’une des principales sociétés militaires privées américaines, la Military Professional Ressources Inc. (MPRI), a remporté un contrat de 1,2 milliard d’euros pour assurer la formation de l’armée afghane. Gallice est l’une des rares sociétés françaises à être implantée en Irak, où le trajet entre l’aéroport et la zone verte se monnaye 1000 dollars. Inconcevable, pour les députés, que les Français passent aujourd’hui à côté des principaux foyers de demandes, sans pouvoir définir précisément quelles missions pourraient être confiées à des privés.

Ce qui ne constitue pas le “cœur de métier” de l’armée a vocation à être externalisé. Pour l’heure, aucun consensus n’a pu être tiré sur ce fameux cœur de métier, comme l’écrivent les députés. Parmi les militaires interrogés, certains conservent une conception étendue du régalien, donc du cœur de métier.  Sous l’effet combiné de la révision générale des politiques publiques lancée en 2007 et la rédaction du livre blanc sur la défense en 2008, la réflexion stratégique s’est concentrée sur la définition du cœur de métier, sans parvenir à la définir précisément.

A défaut de concepts solidement posés, le privé s’impose par la lorgnette du pragmatisme selon les deux députés, qui pointent les théâtres somaliens et libyens comme premiers marchés à conquérir. Christian Ménard et Jean-Claude Viollet se sont déplacés en Libye. Ils en sont revenus avec la conviction qu’il existait “une attente forte vis-à-vis de la France” dans ce domaine.

Il est donc très souhaitable que, dans le cadre du droit libyen, nos sociétés parviennent à nouer des partenariats afin de s’implanter durablement dans ce pays.

Une société française, Galea, est déjà installée en Libye, en partie grâce à sa présence en Égypte et à de bons réseaux dans le pays. Argus, une société de droit hongrois, dirigée par des Français, est sous contrat avec l’Union européenne pour “la protection de ses locaux et l’escorte de ses employés”. Curieusement, les gardes de la société sont armés, “par le truchement d’un statut diplomatique” écrivent les rapporteurs.

Soldats privés contre la piraterie

Mais c’est surtout du côté du détroit de Bab el Mandeb, au large de la Corne de l’Afrique, que se tournent les regards des “ESSD” françaises. Sous la menace de la piraterie, l’Union européenne a lancé l’opération Atalante. La France met à disposition des équipes de protection embarquées, notamment sur les navires du Programme agricole mondial et les thoniers senneurs. Une utilisation de l’armée qui ne va pas sans faire grincer des dents. Les députés notent que ces missions “relèvent davantage de la sécurité internationale que du domaine militaire proprement dit”. Elles reviennent à utiliser la force publique pour protéger des intérêts privés.

Les équipes de fusiliers marins coûtent 2000 euros par jour en moyenne, contre 3000 euros en moyens pour une équipe privée, écrivent-ils. La différence est prise en charge par l’armée elle-même, sur son budget annuel. Dans ce contexte, les deux rapporteurs estiment que la France “est désormais prête à autoriser l’embarquement de personnels privés armés à bord des navires commerciaux traversant des zones dangereuses”. Là encore, un marché colossal. Pour les entreprises françaises, il serait d’environ une centaine de millions d’euros.

Le Secrétariat général de la mer s’était penché sur la lutte contre la piraterie en 2011. Sa production n’a pas été rendue publique, mais il semble avoir retenu un processus de labellisation des navires, en fonction de plusieurs critères, dont l’intérêt stratégique du chargement pour la France. Selon nos informations, les convois jugés stratégiques seraient pris en charge par les forces publiques, les convois importants pourraient être confiés à la Marine ou à des gardes privés qui hériteraient systématiquement des navires n’entrant pas dans ces deux catégories.

Christian Ménard souhaite quant à lui une mise en place rapide des équipes embarquées privées, sans même attendre la prochaine législature. “A titre d’expérimentation, ces embarquements peuvent être tentés en se basant sur une modification des règlements” précise-t-il. Le rapport mentionne d’ailleurs une expérimentation en cours en Algérie, pour la protection d’enceintes diplomatiques. Le parc Peltzer, à Alger, est ainsi “géré par une [société de sécurité privée] algérienne supervisée par des gendarmes français”, de même que le lycée français.

Instrument d’influence

De ces expériences, les députés retiennent que “les SMP peuvent être un instrument d’influence considérable pour les États” écrivent les deux députés, citant l’exemple de la société Blackwater. Devenue Xe pour faire oublier le carnage de septembre 2007 à Bagdad et aujourd’hui dénommée Academi, la société militaire privée américaine assure la sécurité de l’oléoduc Bakou-Tbillissi-Ceyhan et la formation de la marine azérie, des contrats qui “permettent très concrètement aux États-Unis de s’implanter discrètement dans une région sensible et stratégique, entre l’Iran et la Russie”.

Même constat à propos du contrat de la société avec les Émirats arabes unis. D’un montant d’environ 500 millions de dollars, le contrat prévoit la formation “d’une force militaire supplétive”. Révélée par le New York Times en mai dernier, l’affaire avait attisé les craintes de voir cette deuxième armée être utilisée comme force de police, particulièrement dans le contexte des révoltes arabes.

Sécurité privée d’État

Sécurité privée d’État

Un nouveau conseil des sages des sociétés de sécurité privée, le Cnaps, est installé ce 9 janvier pour tenter de ...

Les rapporteurs préfèrent y voir “un formidable levier d’intervention pour [les] Etat[s] d’origine”. C’est aussi par promotion, et protection, de l’intérêt national que les deux députés souhaitent que les sociétés françaises puissent faire appel aux ESSD du même pays, ce qui “laisse supposer un meilleur respect des informations les plus sensibles”. L’équipe France ainsi constituée est perçue comme “un facteur de consolidation de l’influence française” à l’étranger.

Le rapport avance plusieurs possibilités pour assouplir la législation en vigueur, notamment en intégrant les sociétés militaires privées à la loi de 1983 sur les activités privées de sécurité. Le tout jeune Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps) pourrait se voir confier la tâche de labelliser les sociétés qui veulent avoir de telles activités à l’étranger.


Photos de Lego sous licences Creative Commons par Poncho Penguin et Dunechaser

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1961 violence et silence http://owni.fr/2011/10/14/1961-entre-violence-et-silence/ http://owni.fr/2011/10/14/1961-entre-violence-et-silence/#comments Fri, 14 Oct 2011 21:41:07 +0000 Claire Berthelemy http://owni.fr/?p=83480

17 octobre 1961/ Photo copyright Elie Kagan/BDIC

Ce qui a précédé la manifestation du 17 octobre et la rafle de près de 12 000 algériens fait partie du tabou de l’histoire de France. Les documents d’archives que publie aujourd’hui OWNI ne laissent pourtant aucun doute sur la violence policière assaisonnée au silence de Maurice Papon qui s’était installée dans le pays.

Dès septembre 1958, plusieurs attentats meurtriers sont revendiqués par la Fédération de France du Front de libération nationale (FLN) contre son opposant le Mouvement national algérien (MNA). Et Papon décide de déclarer la guerre au FLN.

Montée en température

L’année 1961 est un tournant : le nombre de victimes policières des attentats du FLN est multiplié par trois. Entre les partisans du FLN et le préfet le ton se durcit. La guerre qu’il livre au groupe s’étend à tous les ressortissants de l’Algérie française. Et la communauté algérienne, logeant principalement dans des bidonvilles de Paris et ses environs, est alors la cible de la police.

Le témoignage de Gérard Monate, adjoint de François Rouve, le secrétaire général du Syndicat général de la police (SGP) montre ainsi que :

Les policiers ont acquis le sentiment d’être abandonnés par le justice et le pouvoir politique. L’idée de régler ses comptes soi-même s’inscrivit dans les esprits et allait jusqu’à conduire à des dérives dramatiques, d’autant que la hiérarchie grande et moins grande ne faisait rien pour calmer ce climat, bien au contraire. […] On vit alors s’installer et s’amplifier : le racket : tout argent trouvé sur un algérien était « confisqué » ; le matraquage dans toutes les interpellations ; […] les brimades stupides : par exemple, le renversement des gamelles sur la chaussée des ouvriers algériens interpellés.

Voici l’intégralité de son témoignage :
1961 Scribd 2

D’autres sont “simples” témoins. Tel le député Pierre Henault qui envoie un courrier à Maurice Papon le 14 septembre 1961 dans lequel il dénonce des faits de violence lors d’un contrôle d’identité.

Henault

Dans le courrier ci-dessus, Pierre Hénault explique que :

[…] des agents procédaient à la fouille de musulmans, afin de détecter des armes possibles, ce que je trouve absolument normal. Toutefois, ce qui l’est beaucoup moins c’est la façon dont s’acquittait, notamment un agent, lequel après avoir procédé à cette fouille, a giflé violemment cet arabe, lequel n’a d’ailleurs pas protesté, tandis que la foule marquait sa désapprobation à son égard.

Maurice Papon transmettra la missive à ses services. L’affaire sera classée le 3 novembre 1961 comme en atteste la réponse du directeur général de la police municipale, qui a estimé ne pas être utile de procéder à l’audition des gardiens de la paix sur place :

Le pétitionnaire ne précisant pas en avoir été témoin, il est permis d’une part de douter de leur véracité et, d’autre part , de présumer que celui-ci lui ont été rapportés par une tierce personne ne nourrissant pas les meilleurs sentiments à l’égard des policiers.

Dans un climat tendu, la condition sine qua non pour garantir que les troupes continuent de “faire le tri” au sein de la population des Français musulmans reste de conserver une ligne de conduite claire : soutenir les troupes quoi qu’elles fassent.

Réponse papon

L’immobilité de Maurice Papon et son huile sur le feu

Pour calmer la tempête, Maurice Papon, garant de l’ordre public et de la sécurité urbaine, aurait pu alors agir en conséquence. Au lieu de ça, les notes de services échangées entre les différents acteurs de l’époque indiquent plutôt qu’il était favorable à une bataille des forces de l’ordre contre les membres du FLN ou de simples Français musulmans.

Le 22 septembre 1961, il s’adresse à ses lieutenants et officiers en ces termes :

J’ai prescrit à vos chefs et à vos cadres de reprendre fermement l’offensive dans tous les secteurs en harcelant les organisations politico-administratives et terroristes de la rébellion. […] D’autre part, j’ai décidé que des actions seraient engagées pour mettre hors d’état de nuire les suspects, les oisifs, les proxénètes et les patrons des débits-hôtels. […] Je vous présente d !ès maintenant ma satisfaction des résultats obtenus.

Difficile de croire à une volonté de coopération trois mois après l’ouverture d’un dialogue entre le gouvernement provisoire de la république algérienne (GPRA) et le gouvernement français.

Note Papon

De son côté, le constat de Gérard Monate est sans appel :

Ce fut constamment le silence qui pour nous s’apparentait à de la complicité [...]. C’est dans ces moments dramatiques qu’intervient le discours de Maurice Papon au cours des obsèques d’un de nos camarades tué en service en septembre « pour un coup reçu nous en rendrons dix ».

Plaintes en pagailles

Les Français musulmans d’Algérie – nommés le plus souvent FMA par la police – ont été persécutés par les forces de l’ordre, et ce bien avant le couvre-feu instauré pour tous les algériens par Maurice Papon. Parmi les plaintes, figure celle-ci déposée en juin 1961. Deux hommes accusent les policiers d’avoir essayé de les tuer en les arrosant d’essence et le troisième dénonce un tabassage en règle. De façon détaillée. Tous les trois sont âgés d’une trentaine d’années.

plainte trois

Mais dès le départ, les observations de l’officier chargé de recueillir les plaintes dédouanent les policiers :

La raison se refuse à admettre que des gardiens de la paix français, en uniforme se soient livrés sur la voie publique à de tels actes.

Autre demande d’action en justice, celle de Berkani Ramdane qui dépose plainte pour coups et blessures suite à des violences policières les 18 sepembre et 18 octobre.

Plainte Ramdane

Pour toute réponse, le 5 octobre Maurice Papon déclare le couvre feu obligatoire pour les Français musulmans.
couvre-feu-papon



Qui rétorquent par une manifestation pacifique le 17 octobre 1961.


Photo de Une et des articles par Elie Kagan. Fonds Elie Kagan géré par a Bibliothèque de Documentation internationale contemporaine, copyright Elie Kagan/BDIC

Illustrations et infographies par Loguy pour Owni /-)
Retrouvez les articles du dossier :
La rafle du 17 octobre et Une honte française

[MAJ] Découvrez le webdocumentaire d’Olivier Lambert et Thomas Salva La Nuit oubliée, diffusé ce lundi sur lemonde.fr.
La nuit oubliée – 17 octobre 1961

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Une honte française 17 octobre 1961 http://owni.fr/2011/10/14/une-honte-francaise/ http://owni.fr/2011/10/14/une-honte-francaise/#comments Fri, 14 Oct 2011 18:10:33 +0000 Guillaume Dasquié http://owni.fr/?p=83424 “]

Dans le métro de Paris le 17 octobre 1961 / copyright Elie Kagan/BDIC

17 octobre 1961 : à Paris coulent la Seine et les cadavres. On en dénombre au moins 200 pour cette nuit-là. À lire les documents et les notes de la Préfecture de police de Paris, la tragédie est le résultat d’une politique de violences policières planifiée, voulue en haut lieu. Et soutenue alors que les autorités n’ignoraient rien du caractère pacifiste de la manifestation organisée par le Front de libération nationale (FLN) algérien.

Dans la journée du 17, le Service d’action technique (SAT) de la préfecture, sorte d’agence de renseignement spécialisée sur les milieux indépendantistes algériens, informe le cabinet du préfet Maurice Papon en des termes clairs sur la nature de la manifestation (voir document ci-dessous). Selon ce service, pour le FLN :

Il s’agit d’être tous dehors et de se faire voir, notamment après l’heure du couvre-feu, afin de protester pacifiquement contre les récentes mesures préfectorales. Certains responsables ont réclamé à leurs éléments d’emmener avec eux leurs femmes et leurs enfants.

Ahurissant

Les manifestants se heurtent à une violence policière meurtrière. Au moins 200 personnes d’origine algérienne sont assassinées – jetées des ponts, tuées par balle, ou à coup de bâtons. Un policier de l’époque, Gérard Monate, membre du Syndicat général de la police, a participé à plusieurs réunions internes à la Préfecture de police sur ces évènements. Plusieurs années après, il a livré un témoignage saisissant (voir document ci-dessous) :

Tout Algérien devenait un ennemi potentiel et devait subir la rigueur de la police. On vit alors s’installer et s’amplifier : le racket, tout argent trouvé sur un algérien était confisqué ; le matraquage dans toutes les interpellations ; les comités d’accueil, lors des rafles les algériens interpellés devaient rentrer dans les locaux de la police entre deux haies d’agents qui les matraquaient. Le déchaînement devint incontrôlable et nous savions que toutes manifestations auraient un résultat dramatique. Hélas c’est ce qui s’est produit pendant les affrontements du mois d’octobre 1961. Il y a eu des tués et des blessés (…) Ce fut ahurissant ! Le nombre officiel des morts est dérisoire par rapport à la réalité.

Aucune investigation

La loi du silence s’applique alors dans toute l’administration de la police pour que la tragédie d’octobre 61 n’entre pas dans l’histoire officielle. Cachée par tout un gouvernement au nom de la raison d’État. À l’exception d’un Groupe de policiers républicains à l’origine d’un tract accusateur daté du 31 octobre. Le 1er décembre 1961, dans son bulletin d’information interne (voir document ci-dessous), le préfet de police Maurice Papon se félicite cependant, auprès de ses policiers, qu’aucune investigation indépendante ne se penche sur ces évènements :

Je me suis opposé à l’institution de commissions d’enquête et comme je vous en ai fait part, les élus de Paris et de la Seine, à l’issue de leurs débats, ont tenu à voter une adresse de confiance à votre égard.


Illustrations de la Une du 17 octobre 1961 par Loguy pour Owni /-)

Retrouvez les autres articles du dossier :
1961 entre violence et silence
La rafle du 17 octobre 1961

Photos du fonds Elie Kagan gérées par a Bibliothèque de Documentation internationale contemporaine, copyright Elie Kagan/BDIC

[MAJ] Découvrez le webdocumentaire d’Olivier Lambert et Thomas Salva La Nuit oubliée, diffusé ce lundi sur lemonde.fr.
La nuit oubliée – 17 octobre 1961

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La rafle du 17 octobre http://owni.fr/2011/10/14/la-rafle-du-17-octobre-1961/ http://owni.fr/2011/10/14/la-rafle-du-17-octobre-1961/#comments Fri, 14 Oct 2011 13:28:13 +0000 Guillaume Dasquié & Andréa Fradin http://owni.fr/?p=83354 Le 17 octobre 1961, en plus du massacre perpétré dans les rues de Paris, la Préfecture de police a planifié l’incarcération d’au moins 11 538 personnes d’origine algérienne – et 12 520 au plus, en recoupant différentes sources documentaires de l’administration. Des personnes entassées durant plusieurs jours au Stade Coubertin, au Palais des sports de la porte de Versailles, dans le hall du Palais des expositions, et dans deux centres policiers du 3e arrondissement et du quartier de l’Opéra.

Dans ces lieux, selon des témoignages concordants, plusieurs d’entre elles ont été victimes d’exécutions sommaires – on estime qu’au moins 200 personnes d’origine algérienne ont péri dans la nuit du 17 octobre. Des notes confidentielles de la Préfecture de police de Paris, alors dirigée par Maurice Papon, et datées du 18 octobre 1961 à 6h30 du matin, comptabilise cette horreur. Les personnes arrêtées sont répertoriées par la police sous l’acronyme “FMA”, pour Français musulmans d’Algérie.

Ainsi, dès la nuit du 17 octobre, 10 009 personnes ont été placées de force dans les stades et les enceintes sportives de la capitale, dont la réquisition avait dû être prévue au préalable. 831 étaient retenues dans des commissariats d’arrondissement, et 698 dans des commissariats de la proche banlieue. Au-delà du 24 octobre, il restait encore plus de 2 000 personnes enfermées, qui avaient été regroupées dans un centre situé à Vincennes.

17 octobre 1961/ Photo copyright Elie Kagan/BDIC

Au sein de l’appareil d’État, aucun responsable n’ignorait l’illégalité et la cruauté de ces opérations. La Commission de vérification des mesures de sécurité publique dépêcha l’un de ses conseillers au Centre de Vincennes, le 26 octobre. Il rend un rapport accablant, dont on sait qu’il est remonté jusqu’au Premier ministre. Dans ce document de quatre pages (voir ci-dessous), l’auteur écrit :

Je ne crois pas devoir cacher que l’impression que j’ai ressentie spécialement dans les locaux de triage m’a été fort pénible. Des centaines d’êtres humains sont parqués derrière des barrières couchés ou assis sur la paille, sales (…) la nourriture paraît nettement insuffisante ; les services d’hygiène [sont] réduits au minimum. (…) Mon attention a été attirée par plusieurs Algériens portant des pansements à la tête. Interrogés, ils m’ont déclaré avoir été frappés à coups de bâton par les gardiens de la paix (…).

Occupation nazie

La violence et le caractère barbare de ces emprisonnements extrajudiciaires ont frappé quelques intellectuels de l’époque, alertés par la tragédie. Ils les ont immédiatement comparés aux actes commis durant la seconde guerre mondiale, par cette même police française, contre les Parisiens de confession juive.

Un télégramme secret du 19 octobre 1961 (ci-dessous), deux jours après la tragédie, transmis par les services de renseignement de la préfecture, s’inquiète ainsi d’un manifeste de l’écrivain Claude Lanzmann – alors âgé de 36 ans. Et de citer le texte que Lanzmann fait circuler alors auprès de ses amis :

Un déchaînement de violences policières a répondu à leur démonstration pacifique et de nouveaux Algériens sont morts parce qu’ils voulaient vivre en hommes libres. En restant passifs, les Français se feraient les complices des fureurs racistes dont Paris a été le théâtre et qui nous ramènent aux jours les plus noirs de l’occupation nazie. Entre les Algériens entassés au Palais des Sports en attendant d’être refoulés et les juifs parqués à Drancy avant la déportation, nous nous refusons de faire une différence.



Photo de Une et des articles par Elie Kagan. Fonds Elie Kagan géré par la Bibliothèque de Documentation internationale contemporaine, copyright Elie Kagan/BDIC

Illustrations par Loguy pour Owni /-)
Infographie par Andréa Fradin et Loguy
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1961 entre violence et silence
Une honte française


[MAJ] Découvrez le webdocumentaire d’Olivier Lambert et Thomas Salva La Nuit oubliée, diffusé ce lundi sur lemonde.fr.
La nuit oubliée – 17 octobre 1961

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Réponses clés en main pour la DCRI http://owni.fr/2011/10/04/adlene-hicheur-terrorisme-cern-aqmi/ http://owni.fr/2011/10/04/adlene-hicheur-terrorisme-cern-aqmi/#comments Tue, 04 Oct 2011 17:33:58 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=81864

Des sources judiciaires contactées par OWNI ont indiqué que l’instruction du dossier du physicien du Cern n’a pas été clôturée ce mardi comme son entourage s’y attendait. Entendu à Paris au pôle antiterroriste, Adlène Hicheur s’est vu signifier la prolongation de l’instruction jusqu’au 12 octobre, date de sa prochaine convocation.

Unique mis en examen dans cette affaire d’associations de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, le scientifique est accusé d’avoir échangé des messages sur des forums avec un membre présumé d’Al Qaida au Maghreb Islamique (AQMI). Les services français de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) affirment avoir identifié son interlocuteur en la personne de Mustapha Debchi, dont l’arrestation a été rapportée le 6 février 2011 par la presse algérienne, citant des “sources sécuritaires”.

Expertise en cours

Avec la récente transmission à Paris de son interrogatoire réalisé par les autorités algériennes, les proches d’Adlène Hicheur s’attendaient à une clôture de l’instruction, premier pas vers l’ouverture du procès. Mais un nouveau rapport d’expert a conduit le juge à décaler cet acte, le temps de réaliser une ultime étude de données chiffrées saisies sur son ordinateur. “C’est une question de procédure” explique Me Bectarte, l’un des avocats en charge de sa défense. Avant de préciser qu’Adlène Hicheur, lui, “n’en peut plus”.

Lors de l’audition, mardi, le juge d’instruction l’a interrogé pendant une heure environ. Il s’est appuyé sur le procès verbal de Mustapha Debchi. La commission rogatoire internationale ordonnée le 2 août 2010 a donné lieu à l’ouverture d’une commission en Algérie le 9 décembre de la même année. Un délai un peu long mais pas aberrant selon ses avocats. Et début février, Mustapha Debchi, le fameux interlocuteur supposé d’Adlène Hicheur était interrogé par la police algéroise. OWNI a pu consulter ce procès-verbal (PV) dont Mediapart évoquait la semaine dernière le contenu.

Daté du 9 février, le PV ne fait que deux pages, une concision très inhabituelle pour ce genre d’interrogatoire. Plus troublant, à aucun moment n’est mentionné le statut de l’interrogé, M. Debchi. Son arrestation a été signalée par la presse le 6 février, sans indiquer quel jour elle avait eu lieu. Or ce n’est que quatre jours plus tard, le 13 février, que cet ingénieur en électronique a été présenté au procureur et mis en examen pour un chef d’accusation semblable à l’association de malfaiteur. Aucune pièce d’identité, aucun document n’a été ajouté au dossier, rien qui permette de certifier l’identité de Mustapha Debchi.

“Forum.sos”

Quant à l’interrogatoire, il se résume à des réponses, précédées de la mention “QR” pour question-réponse. Impossible de savoir quelles questions a posé l’officier de police judiciaire. Debchi se contente de réciter : il a rejoint “un groupe terroriste” et pris le maquis le 23 mai 2008 dans la région de Batna, dans le Nord-Est de l’Algérie. Ses premiers échanges avec Abou Doujana (le pseudonyme utilisé par Adlène Hicheur) remontent à 2007 sur le site “forum.sos” (sic). En mars 2009, les discussions, plus régulières, se précisent.

C’est à cette occasion qu’Adlène Hicheur prend position contre les attentats suicides et évoque les attentats ciblés, détaille Mustapha Debchi. Des éléments qui figuraient déjà dans le dossier d’instruction mais qui ont fait l’objet d’un examen attentif par le juge d’instruction Christophe Teissier, au vu de l’importance de ce PV.

Clôturée le 19 mai, les résultats de la commission rogatoire n’ont été portés à la connaissance du juge d’instruction que quatre mois plus tard. Le 19 septembre, la traduction du procès verbal était ajoutée au dossier. Le lendemain, les avocats d’Adlène Hicheur déposait une requête en nullité auprès de la chambre de l’instruction contre ce nouvel élément, “sur mesure”, qui vient à point à quelques jours de la fin de l’instruction.


Illustrations et photographies via Flickr [cc-by-sa] : Inga Ganzer / [by] : astuecker

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Les mercenaires filent à l’anglaise http://owni.fr/2011/06/13/les-mercenaires-filent-a-langlaise/ http://owni.fr/2011/06/13/les-mercenaires-filent-a-langlaise/#comments Mon, 13 Jun 2011 14:58:55 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=67655 Depuis quelques semaines, la filiale anglaise du groupe Géos, fleuron des sociétés militaires privées françaises, est au centre de plusieurs procédures ouvertes bien souvent après des plaintes de ses anciens employés. À Londres, OWNI a obtenu les procès-verbaux et les registres de cette curieuse structure, Geos International Consulting Limited (voir ci-dessous), montrant qu’elle relève directement du siège du groupe Géos, en région parisienne. De grands noms apparaissent dans ces registres britanniques. Ceux du général Jean Heinrich (ex patron du Service Action de la DGSE) ou de Guillaume Verspieren (l’héritier du groupe d’assurance et actionnaire majoritaire du groupe Géos en France). Installée au 81 Rivington Street à Londres, la société apparaît dans au moins quatre affaires sensibles.

  • Enquête préliminaire du parquet de Nanterre pour des bizarreries comptables,
  • Dossiers aux prud’hommes de Versailles et de Boulogne-Billancourt ouverts par des anciens des forces spéciales expédiés en Algérie ou au Brésil qui reprochent au groupe de ne pas avoir payé leurs cotisations sociales,
  • Ou encore investigations policières après les missions d’un cadre de Géos pour le compte des services de sécurité de Renault à l’origine du plus gros scandale social connu par le groupe automobile.


Créée en 2001, cette société anglaise serait chargée de “la gestion des opérationnels, du support et de l’accompagnement des projets“, nous explique-t-on au siège parisien de l’entreprise. Cependant, les procès-verbaux de la filiale montrent qu’elle intervient dans le domaine de “l’investigation et de la sécurité“. Toujours selon ces papiers, Géos déclarait en Grande-Bretagne 114 personnels d’opération et 22 personnels administratifs et deux personnes chargées de la gestion, entre septembre 2008 et décembre 2009, pour un chiffre d’affaire de 20 984 000 euros. Mais des témoins, familiers des lieux, nous décrivent un bureau de 40 m2 où travaillent une secrétaire et un comptable.

Des anciens des forces spéciales relevant de la structure anglaise ont récemment porté plainte. Tel Roland Renaux, responsable de la sécurité en Algérie, officiellement employé via un contrat anglais, mais percevant un salaire net en euros, versé sur un compte en France. Cet ex-commando marine pilotait la sécurité sur un site d’Alstom Power, où sont déployées d’importantes équipes de gardes armés. Avant d’être licencié en août 2009, moment où il découvre que la société n’aurait jamais versé de cotisations sociales, ni en Grande-Bretagne ni en France. Roland Renaux a assigné le groupe Géos et Alstom devant le conseil des prud’hommes de Boulogne-Billancourt, lequel pour l’heure s’est déclaré incompétent territorialement. Roland Renaux a fait appel de cette décision mais une conciliation serait en cours.


Les activités de Géos en Algérie intéressent la justice à plus d’un titre. Michel Luc, l’employé de Géos accusé d’avoir participé aux enquêtes à l’origine du scandale Renault a été débarqué début février par la direction du groupe, précisant qu’il aurait agi en dehors des consignes hiérarchiques. Une accusation étonnante au regard de ses responsabilités. Jusqu’à une période récente Michel Luc coordonnait l’ensemble des opérations de Géos en Algérie, en relation avec la filiale anglaise.

Une autre procédure aux prud’hommes visait Géos au début du mois. Celle introduite par Luis Barbosa, la quarantaine, ancien du 1er Régiment Parachutiste d’Infanterie Marine (RPIMA) de Bayonne et ancien chasseur alpin. Chef d’opération au Brésil jusqu’en décembre 2010, il y aurait passé six mois sans autorisation de travailler sur place, tandis qu’il coordonnait plusieurs opérations du groupe en Amérique latine, en relation avec la surveillance des réseaux de narcotrafiquants, et au terme d’un contrat avec la même filiale britannique.

Luis Barbosa réclamait ”le paiement de la totalité de ses indemnités de licenciement, ainsi que celui de diverses prestations sociales” selon la lettre Intelligence Online (sur abonnement). Il a assigné aux prud’hommes de Boulogne-Billancourt la filiale londonienne, mais aussi Géos SAS et Géos Brasil. Le conseil devait statuer le 6 juin dernier, mais en l’absence de Luis Barbosa une ordonnance de caducité a été prononcée. Selon ses proches, une transaction aurait eu lieu peu avant l’audience.

À terme, ces diverses affaires pourraient mettre en évidence les relais de Géos avec l’appareil sécuritaire français, et quelques-une de ses missions très particulières. Ainsi, selon des témoignages concordants recueillis auprès d’anciens contractuels de Géos, une centaine de soldats privés évoluaient en Afghanistan en 2010. Dont certains spécialisés dans des missions de renseignement.


Crédits Photo FlickR cc by Simon Goldenberg

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Double violation du droit pour les musulmans de l’Algérie coloniale http://owni.fr/2011/03/21/double-violation-du-droit-pour-les-musulmans-de-lalgerie-coloniale/ http://owni.fr/2011/03/21/double-violation-du-droit-pour-les-musulmans-de-lalgerie-coloniale/#comments Mon, 21 Mar 2011 08:00:35 +0000 Gilles Devers http://owni.fr/?p=51454 De grands pays musulmans accèdent à la liberté et vont construire leur avenir. Déjà, on s’apprête à leur demander des comptes : quoi, ce n’est pas encore la démocratie absolue et parfaite ?!

Vingt ans après l’écroulement soviétique, Poutine gave ses réseaux et viole les droits fondamentaux au jour le jour ; les révolutions US des anciennes républiques soviétiques, dix ans plus tard, pataugent encore dans les approximations ; ailleurs, la France-Afrique post-coloniale donne encore le rythme. Les révolutions de la Tunisie, de Égypte, de la Libye, du Yémen, de Bahreïn ont le grand avantage d’être spontanées : aucun grand frère pour vouloir ensuite récupérer les dividendes.
Bon, mais ça sera très compliqué, car ce ne sont pas seulement les dernières années sanglantes des dictatures qu’il faut gérer, mais des décennies d’oubli du droit.

Voici à ce propos quelques repères sur ce qu’a été la liberté de religion en Algérie, du temps de la colonisation : 130 ans. Deux dates principales ont marqué cette période de l’histoire : 1830, avec l’administration française de l’Algérie et 1905 avec la non-application de la loi sur la séparation de l’État et des cultes

1830 : le double langage du droit

L’histoire contemporaine de l’islam et de la France commence en 1830, par l’annexion de l’Algérie. Avec la convention du 5 juillet 1830, conclue entre le Bey d’Alger et le général en chef des armées françaises, le pouvoir français s’impose, préfigurant le rattachement de l’Algérie à la France. Dès 1848, l’Algérie devient « territoire français », divisé en trois départements, sans être pour autant placée dans une égalité de droit avec la métropole. La France, qui avait fondé un empire colonial, s’affirme volontiers comme puissance musulmane, dans une société internationale encore marquée par l’empreinte de l’empire ottoman.

Les relations de la France et de l’islam sont évidemment plus anciennes. Il s’agit d’abord des croisades et des échanges entre Haroun al Rachid et Charlemagne, ou entre François 1er et Soliman le Magnifique. C’est aussi la présence durable des Musulmans au Moyen Âge, en Provence et en Languedoc notamment. La présence française en Afrique musulmane a été permanente depuis le 19e siècle : Saint Louis, alors capitale du Sénégal, disposait d’un représentant au sein de l’Assemblée nationale. Mais ce qui allait compter le plus dans ce domaine, a été le « fait algérien », c’est-à-dire l’irruption dans la vie politique, économique, culturelle et sociale d’un pays européen, de tout un peuple musulman avec son histoire, ses coutumes, ses règles de vie et sa religion.

Un peuple très majoritairement musulman, resté encore à un stade de développement de type traditionnel, devenait partie intégrante d’un pays de culture chrétienne. L’imbrication humaine, culturelle, politique ne cessera de se développer.

Dans cette région islamisée très tôt, le fait musulman est présent dès l’origine : la Convention du 5 juillet 1830 prévoyait que la France devait « ne porter aucune atteinte à la liberté des habitants de toutes les classes, à leur religion, leur propriété, leur commerce et leur industrie ». Or, dans le même temps, le droit métropolitain est venu organiser la société algérienne, en rupture avec le droit musulman. S’il est exact que le droit musulman souffrait d’archaïsme, l’esprit de la Révolution des Lumières n’a pas eu droit de cité sur l’autre rive de la Méditerranée : l’accès à la citoyenneté française a été refusé aux personnes de confession musulmane.

C’est la doctrine coloniale : l’Algérie est française, mais le musulman relève d’un statut personnel spécifique. Le colonialisme crée les bases du communautarisme. Le sénatus-consulte du 14 juillet 1865 énonce : « si l’indigène musulman est français, néanmoins il continuera à être régi par la loi musulmane ». L’application du Concordat a été écartée sous prétexte qu’il n’existait pas d’organisations représentantes de l’islam. Aussi, l’État français a-t-il été dès le début omniprésent, y compris pour régler la pratique du culte, avec une préoccupation particulière pour le maintien de l’ordre public.

Il n’existait pas en terre algérienne de droit à la liberté de religion, et la pratique du culte, pour les musulmans, s’avérait souvent aléatoire. En 1848, a été créé un service de l’administration civile indigène, ayant pour mission le contrôle du culte musulman. L’État colonial qui régissait tout, n’allouait que des moyens très limités, et n’hésitait pas à réquisitionner les lieux de prières pour les affecter à des besoins jugés plus légitimes.

1905 : La non-application de la loi

Le schéma n’a pas été modifié par la loi de 1905, bien que l’article 43.2 invitait le gouvernement à déterminer les conditions d’application de ce texte à l’Algérie et aux colonies. C’est le décret du 27 septembre 1907 qui régla la question, pour reconnaître la loi inapplicable et organiser le statu quo, soit une religion sous contrôle de l’administration, avec de maigres financements.

La circulaire, signée par le préfet Michel le 16 février 1933, qui a institué un contrôle de l’administration sur le recrutement du personnel cultuel, a prévu des indemnités pour ce personnel qui devait prêcher dans les lieux de prière reconnus par l’État.
Ce n’est que beaucoup plus tard que le nouveau statut organique de l’Algérie, édicté par la loi du 20 septembre 1947, a rendu le culte musulman indépendant de l’État. Les projets réformateurs sont restés lettre morte jusqu’à ce que l’Assemblée algérienne crée en 1951 une commission du culte musulman, parvenant à établir le projet d’une Union générale des comités cultuels, financée par l’État. Mais le Conseil d’État a estimé en 1953 que la création par l’État de ce type de structure était contraire au principe de séparation des Églises et de l’Etat, et c’est le schéma ancien qui est resté en cours jusqu’à l’indépendance de l’Algérie en 1962.

Dans le même temps, le maintien du statut personnel spécifique pour les musulmans faisait de la croyance religieuse une condition de la reconnaissance juridique, créant ainsi un communautarisme légal. L’accès à la citoyenneté répondait à une logique discriminatoire sur le plan religieux : les musulmans devaient renoncer au statut personnel, lié à leur foi, pour adopter celui du code civil. Ce n’est qu’à partir de 1947, que fut acceptée la citoyenneté dans le statut, c’est-à-dire le fait d’être français et musulman, mais en portant le titre de « français musulman ».

Un constat d’évidence s’impose donc : durant la période coloniale (1830-1962), les musulmans vivant sous l’autorité de l’État français ont connu un statut juridique caractérisé par une double violation du droit : le non-respect des engagements contenus dans la convention de 1830 et la non application de la loi de 1905.

> Article de Gilles Devers, initialement sur le blog Actualités du Droit sous le titre La religion dans l’Algérie coloniale

> Illustration Flickr CC Ophelia Noor et Tab59

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Femmes et Révolutions http://owni.fr/2011/03/10/femmes-et-revolutions/ http://owni.fr/2011/03/10/femmes-et-revolutions/#comments Thu, 10 Mar 2011 12:26:37 +0000 Guillaume Mazeau http://owni.fr/?p=46872 Ndlr: Billet publié sur owni le 17 février 2011. Rendez-vous le 22 mars pour la Nuit-Sujet Owni/Radio Nova sur le thème “Dégage” autour de la mise en réseau du monde et de son impact politique global.

Basta Berlusconi !

Dimanche 13 février, des milliers d’Italiennes sont descendues dans la rue contre leur Premier ministre, dont l’interminable « saga priapique » renvoie une image virile du pouvoir et réduit les femmes à des objets sexuels.

Cette manifestation remet en cause les idées reçues sur la place des femmes dans la société européenne, mais pas seulement. S’inspirant des « Ben Ali, dégage ! » et des « Mubarak, dégage ! », criés depuis plusieurs semaines par les femmes tunisiennes et égyptiennes, les Italiennes démontrent que depuis quelques semaines, les modèles politiques et sociaux ne circulent plus dans le même sens par-delà les rives de la Méditerranée.
Les mouvements qui secouent la Tunisie, l’Egypte, l’Algérie mais aussi la Jordanie et le Yémen incitent à revoir les clichés occidentaux sur la sujétion des femmes dans les pays arabes.

Remise en cause de la domination masculine

Dans l’histoire, les crises, en particulier les guerres et les révolutions, ont souvent engendré une remise en cause de la domination masculine. La vague révolutionnaire qui secoua l’Atlantique il y a deux cents ans fut en grande partie animée par des femmes souvent privées de tout droit. Elles y gagnèrent un peu, espérèrent beaucoup mais virent la parenthèse se refermer après les premiers moments d’enthousiasme. Pour les femmes, les révolutions américaine et française du 18e siècle se finirent en queue de poisson.

Aux Etats-Unis, aucune des nouvelles constitutions d’Etat ne leur accorda le droit de vote, sauf au New Jersey… jusqu’en 1807.
En France, on voulut terminer la révolution en imposant une nouvelle barrière des sexes : après thermidor an II (juillet 1794), le citoyen modèle sur lequel on entendit reconstruire la société était le père de famille et le bon mari. Depuis quelques jours, certaines Egyptiennes paient le prix fort pour s’être, pendant quelques jours, émancipées des conventions sociales.

Certaines formes de mobilisation féminine du “printemps arabe” semblent révéler des invariants intemporels. Comme les Françaises des journées d’Octobre 1789, une partie des femmes du Maghreb se sont mobilisées contre le prix du pain. Comme les patriotes américaines qui rejoignaient les campements de l’armée révolutionnaire pendant la Guerre d’Indépendance entre 1775 et 1783, certaines Cairotes se sont employées à soigner les blessés de la place Tahrir.
Aux yeux des hommes, ces actions sont rassurantes : les femmes de tout temps et de tout pays sont ainsi réduites à des vertus nourricières et curatives, associées à l’ « éternelle » fonction maternelle.

De ce point de vue, ce qui se trame en Tunisie ou en Egypte est radicalement différent. Celles qui prennent la parole à Tunis, Le Caire, Suez ou Alexandrie, vivent certes sous le joug de la domination masculine. Mais elles ne sont pas les femmes du 18e siècle, qui étaient totalement privées de droits. N’en déplaise aux visions occidentales, les Tunisiennes et Egyptiennes ont vu leur statut lentement s’améliorer depuis les années 1920, en partie depuis les mobilisations féminines de la « première révolution » égyptienne de 1919.

Plus alphabétisées que les femmes du Siècle des Lumières, diplômées, plus politisées mais aussi plus intégrées à la société civile, beaucoup de maghrébines, encadrées par des associations comme l’Association des Femmes Démocrates en Tunisie ou inspirées par des avant-gardes comme Nawal El Saadawi en Egypte, ne défendent pas seulement leurs acquis. Elles revendiquent aussi le droit de participer à la vie civique et au débat politique.

Femmes et Islamisme

Faut-il voir en elles les chevaux de Troie de l’islamisme ? Le point de vue laïc et très franco-français aide aussi peu à comprendre le passé que le présent. Certes, des Vendéennes catholiques de la fin du 18e siècle aux manifestantes voilées de la place Tahrir, certaines femmes, très impliquées dans la religion et donc dans la vie sociale, se mobilisent parfois au nom de leur foi.
Pourtant, cela ne veut évidemment pas dire qu’elles ne défendent aucune opinion politique et qu’elles sont systématiquement manipulées par les « fous de Dieu ».

Comme l’indique le politologue Olivier Roy , l’évolution de la place des femmes au sein de la « société  post-islamiste » ne se réduit évidemment pas à un combat entre laïcité et intégrisme.
Si des milliers de Tunisiennes redoutent que leurs droits soient remis en cause par le retour du leader islamiste Ghannouchi, nombre d’entre elles entendent aussi pouvoir exprimer leur liberté de conscience sans subir le regard des autres lorsqu’elles portent le voile.

Jeunes ou âgées, qu’elles défilent en tête nue ou en hijab, les « Femmes du Caire », dont Yousry Nasrallah décrivait en 2010 les désirs d’émancipation dans un film engagé,ne peuvent donc être observées avec les clichés historiques ou sociaux que les experts occidentaux ont tendance à leur appliquer. C’est ce qui donne à leur mobilisation toute sa modernité.

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Publié initialement sur le blog Les lumières du siècle sous le titre : Femmes du Caire
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Crédits photos via Flickr [cc-by-nc-sa] 3arabawy, enseignantes et jeune femme sur Tahrir Square

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